Moseph acte 16 et fin


Garbiel , prit la parole , il ne l’avait pas perdue, il l’avait gardée pour cette seule et unique fois.

_ »Maintenant, il est là! »

El Hoïm se releva, passa sa main sur la tête de garbiel , plus vieux que jamais et lui dit.

_ »te voilà arrivé  à ta fin, tu m’as dit, je te rends à ton état premier…que tu sois poussière et rien d’autre. »

Le vieux s’écroula, se pulvérisa. il n’en resta plus rien , si ce n’est une couleur poussiéreuse un peu plus marquée, couleur du temps fini.

_ »Noé, arrête la machine sur la prochaine planète que tu croises…on est en zone ennemie, on va leur débarquer cette saloperie d’arme biologique….devrait pas y en avoir pour longtemps avant qu’elle pourrisse cette planète! Encore une de moins que ce salopard D’el Diablo ne récupèrera pas. »

En bas, Moseph et Jarie, en compagnie de leur fils qui n’avait pas encore de nom, se retrouvèrent en compagnie d’une troupe animale, tous attendaient face  à ce mur….il finit par s’ouvrir et tous sortirent….le gigantesque objet qui les avait déposé reparti dans le même silence qu’à l’aller…il étaient désormais sur Terre. En haut dans son vaisseau, Noé maugréait, il gueulait  qu’il en avait marre de tous ces voyages qu’il y  avait deux éternités qu’il n’avait pas vu ses familles, ses femmes….. El Hoïm, regardait par la vitre , en réfléchissant  à voix haute.

_ »J’ai peut être poussé le bouchon un peu trop loin cette fois ci….On verra bien, je suis quand même doué, inventer des armes capables de s’autoreproduire et de tout détruire…y a qu’un Dieu pour faire çà! »rr [Résolution de l'écran]

Moseph acte 15


Garbiel monta un escalier, près du mur qui touchait ce qu’ils avaient pensé être le ciel pendant longtemps… Garbiel monta, pas eux, car une fois le boiteux rapide engagé, l’escalier se déroba en direction de la tour et elle fut inaccessible. Ils restèrent tous deux avec leur enfant, Adamah les avait quittés, à  vrai dire il était redevenu poussière terreuse , lui le glébeux, gardien de la féminité avait rejoint ce en quoi il avait été constitué, la terre, sa terre….Ils attendirent.

quand Garbiel fut arrivé au sommet de la tour qui pénétrait le ciel qui n’était pas le ciel, il se trouva face  à une porte. Elle s’ouvrit, il entra, passa de sas en sas qui se succédaient , d’ouvertures en ouvertures qui se fermaient  sur son passage et enfin se retrouva dans une pièce qu’on aurait dit sombre si on avait su qu’elle avait existé. Il avança sans voir, ses yeux étaient plus habitués à la lumière qu’au noir. Face  à lui , un mur transparent laissait entrevoir le noir de l’espace, quelques étoiles et galaxies lointaines… Sur un grand fauteuil  El Hoïm ronflait, sur un autre fauteuil  en contrebas, un autre homme s’affairait rageusement face à  de gigantesques cadrans lumineux….il dirigeait. Garbiel approcha d’El Hoïm , le réveilla. Celui  ouvrit la bouche en marmonnant:

_ » Te voilà enfin coulure de vermine, tu viens me le dire. »dds [1280x768]

Moseph acte 14


Moseph revint par cette rue par laquelle il était parti, du temps auparavant, beaucoup de temps. Jarie l’accompagnait, elle tenait son fils, leur enfant,  dans ses bras, la rue était déserte, en ruine. Adamah suivait, ni souriant, ni satisfait, il veillait désormais sur eux trois. L’âge ne paraissait pas l’avoir touché. Lorsque Garbiel les vit arriver, il se leva difficilement, le temps  avait comme soudé ses os….il y avait si longtemps qu’il attendait. Il se dirigea vers l’enfant, le toucha du bout des doigts, le sentit, le goûta et s’enfuit le plus rapidement qu’il put , vers l’opposé de cette rue arrivante. Moseph ne se souvenait pas avoir été dans cette direction, il était toujours resté entre cette rue et la ferme d’Adamah, jamais il n’avait osé partir dans l’autre sens lorsqu’il était enfant…il sentait là  à cet instant qu’il y avait toujours eu comme un interdit, interdit des plus simple puisque personne n’avait osé partir dans cette direction. C’était la première fois. Il devait rejoindre Garbiel qui, tout en boitant rapidement, leur ouvrait la marche…Il savait où  aller, il avançait maintenant dans un bois touffu sans chemin et marchait de plus en plus vite, il commençait à émettre des sons que l’on eut pu prendre pour des sons de joie. Il arriva à  un mur , si haut qu’on avait l’impression qu’il touchait le ciel…le ciel…. Moseph n’avait jamais levé les yeux au ciel, tout ce qui s’était passé, depuis toujours,  l’avait été sous ses yeux et près de sa ligne d’horizon…et là  ce qu’il pensait être le ciel tombait au sommet du mur haut …mais humainement accessible, comme le toit d’une maison chevauche son mur , l’espace d’un instant…. Garbiel avait tourné sur sa gauche et se dirigeait vers une tour qui pénétrait le ciel, le toit, là-haut…..stock-6 [1280x768]

Moseph acte 13


Elle jouit, il cria. Son ventre était bouillonnant, aqueux, comme une nouvelle terre. Adamah sourit.

La rue était désormais déserte, certains hommes étaient morts, certaines femmes, vieilles, sèches, avachies, assises sur leur derrière au bout de la rue , finissaient de  mourir au soleil. Il y avait une fin en ce lieu. Le côté de la rue vers lequel était parti Moseph, avait laissé passé plantes, herbes folles et vent, prendre place sans résonance avec l’humanité mourante. Des animaux , tous plus variés les uns que les autres, occupaient désormais cette rue où  jadis on passait. Garbiel attendait , le regard porté vers ce côté obscur de la rue, il regardait toujours en souriant. De temps à autre , il tuait un lapin pour se nourrir , un serpent qu’il déchirait de ses dents. Sa barbe avait poussé, son regard s’était affuté…il attendait que cela soit pour en référer à El Hoim, sa mission était ainsi: dire, lui qui n’avait plus pris la parole depuis un temps si long. La mère , cette femme, était morte , morte de s’être oubliée, ventre sans vie, sans plaisir, elle avait fini par oublier de vivre…Il n’y avait plus de temps ….jui-30

Moseph acte 12


Aux côtés de Jarie, Moseph apprenait et oubliait. Il apprenait à aimer cette terre qui jour après jour lui donnait ce qui le nourrissait, son blé, son pain, son fenouil, et pourquoi pas me direz-vous. Il oubliait qui il avait été, il oubliait l' »ab nihili » déformant de son visage qui lui retirait tout sens d’existence  plausible aux yeux du reste de ceux qui déjà  existaient de moins en moins. Exister pensait-il , mais ne le prononçait point. Il ne parlait toujours pas, mais , cérébralisait plus qu’il ne le fallait. Son silence était  à la hauteur de ses yeux quand  il réfléchissait….on savait qu’il y avait du sens  à cette existence. Jarie perdait son regard dans la force des yeux de Moseph, celui-ci bousculait sa vie pour sentir la vitalité des yeux de cette femme.Tout entre eux était question de silence et d’échanges visuels…. le temps était passé, elle était jeune femme, il était jeune homme. El Hoim arriva jusqu’à eux un matin, alors que Moseph était au champ et que Jarie peignait  un bateau, grand, isolé, sur une étendue d’eau gigantesque….Il prit la parole en ce sens:

_ »Toi l’homme , toi la femme… venez  à moi et écoutez…Copulez plus qu’il ne le faut, remplis lui le ventre de ta semence, écarte tes cuisses et accueille le tant qu’il le voudra…. »

Il ne put finir sa phrase, Moseph avait frappé  le sol de sa fourche avec laquelle il retournait sa terre depuis le matin, El Hoim , vieil homme parmi les hommes était silencieux, il reprit

_ » Il doit en être ainsi, car la fin ne saurait être….vous êtes les derniers. »

Il tendit à Moseph un parchemin sur lequel était inscrit des signes incompréhensibles.

_ » garde-le, bientôt tu comprendras. »

Il partit , d’un pas vif et alerte. Moseph se retourna vers Jarie , elle était  à terre sa jupe relevée:

_ »viens… »boutographies 2009 robillard laurent (15) [1280x768]

Moseph acte 11


Dans la rue des putains décaties  où la mère, cette femme, faisait autrefois office de ventre accueillant et de bouche gourmande, l’ombre de Garbiel  flottait, comme un spectre, il restait, les yeux ouverts, assis sur une marche de l’escalier de la dernière maison du bout de cette rue aux putains vieillissantes….d’ailleurs les hommes n’y passaient plus. Depuis que Garbiel avait eu son sexe coupé, comme un cep de vigne dont on ne veut plus que le raisin y pousse, les hommes avaient fui  le passage , les femmes avaient le ventre sec, les corps avachis, les seins tombants , les regards sans envie, les vagins, les lèvres des sexes se taisaient et leurs odeurs n’appelaient plus  l’évidence tendue des hommes en rut , tels des cerfs aux orées des bois, matutinaux et éructants. Tout y était vide , ventres et corps caverneux, têtes et regards , rues et ruts. Arriva un vieil homme, parlant fort, outrecuidant, carnavalesque, la bite en avant, de bois vert malgré son grand âge. Arriva cet homme , il cria , du centre de la rue:

_ » Vieilles putains aux ventres puants, chose  au membre chu, écoutez-moi! Je suis celui qui sais, celui qui dis, écoutez-moi! je viens ici pour toi Garbiel. Tu es celui qui me doit porter le message. Tu dois dire qui sera et que le Monde t’entende. Je suis El Hoim, j’apporte ce qui doit être , j’apporte ce qui sera. Le gardien veille sur eux. Toi la mère, tu as connu plus de plaisir que toutes les femmes de cette rue, tu veilleras sur eux, qu’ils jouissent! Toi Garbiel, vieille et grosse queue oubliée, c’est toi qui m’annoncera quand l’enfant viendra. Je vous ai apporté du vin buvez et prenez en tous, de la viande, mangez et grossissez, du pain pour que vos culs engraissent…. crevez s’il en faut….. Toi! Vieille catin! Viens que je te baise, car ainsi est la vie!  »

Ils ne le tuèrent point, ils le regardèrent s’agiter, ils l’entendirent jouir…ainsi fut-il sans ménagement ni futilité. El Hoim repartit, il laissa à terre un rouleau de papier sur lequel était écrit, cris et douleurs, temps et présent, couleurs et odeurs…… Garbiel souriait, il but un verre de vin et mangea un morceau de pain, la mère remontait sa culotte, heureuse certainement…stock-5 [1280x768]

Moseph acte 10


Adamah apprit tout  à Moseph. Il lui apprit comment tenir l’outil, comment goûter la terre pour savoir ce qu’elle produirait  après l’hiver, comment regarder le ciel pour deviner l’eau qui tomberait, comment attendre que le blé pousse, comment se contenter de ce qui avait poussé. Adamah veillait sur sa terre, elle,  et cet enfant au visage abimé. Moseph retenait sans que le gardien eut  à répéter , il retenait parce que cette terre était comme un sein auquel il s’accrochait, à la fois nourriture et chaleur. Jarie grandissait  et devenait de plus en plus belle, elle ressemblait certainement  à sa mère, Adamah l’exprimait par son silence et le regard qu’il posait parfois plus intensément sur sa fille. Il la savait différente, à la fois reflet de la femme qu’il avait aimée et autre par cette puissance créatrice qu’elle ne cessait de montrer . Elle générait sans cesse de nouvelles formes , de nouvelles couleurs, de nouvelles odeurs….Moseph, vieillissant, lentement, certainement, sincèrement, regardait  à regard perdu le corps de Jarie changer, se féminiser, se troubler des regards de  Moseph. Il savait quels étaient les changements… ses hanches dont la courbe s’étoffait, ses seins qui s’alourdissaient, son ventre dont l’odeur remontait bien au-delà des senteurs et  lenteurs de la terre odorante…il la savait devenir femme, femelle….ce sont ces hanches qu’il eût aimé tenir, les siennes…..pascl (35 sur 64) [1280x768] (2)

Moseph acte 9


Garbiel le silencieux, Garbiel  l’inopérant , après avoir été son homme, était devenu sa chose silencieuse. Il ne disait mot, il ne fermait plus les yeux , il était  à  l’affût de tout acte qui eut pu amoindrir  la présence de cette femme , la mère de l’enfant Moseph. Elle n’utilisait plus son corps comme auparavant, elle était plus sèche, plus violente avec les hommes, ne vendait que  ce qui était demandé, et le plus vite possible. Elle ne prenait plus de plaisir et parfois transformait ce qui aurait pu l’être en larmes esseulées sur le  rond de ses joues. Ils n’existaient plus. ils attendaient son retour. D’autres femmes alentour, des mégères , des putains, des catins se plaisaient  à dire que si Garbiel restait c’était pour attendre le retour de l’enfant et l’égorger. Mais il n’en était pas question, Garbiel avait vu ce qui attendait cet enfant, qui d’ailleurs n’en serait bientôt plus un… le temps passait, tous deux vieillissaient, son cul ne suffisait plus à les nourrir, les autres alentour donnaient ce qui leur manquait, cette rue de foutre était comme un village. Personne n’avait souvenir de qui avait été l’enfant, comment s’appelait-il ? Quel était le son de sa voix muette ? pourquoi n’était-il pas mort ? Pourquoi était-elle retournée sur ses pas ? Y avait-il longtemps qu’il s’était  enfui ?… ils auraient dit des années, quelques semaines tout au plus. Le temps comme le monde n’étaient plus à l’écoute du présent…uj (17 of 44)

Moseph acte 8


Adamah avait une fille, Jarie, de l’âge de Moseph, à peu près, éventuellement, cela n’a pas d’importance. Jarie était la vibration profonde et interne d’Adamah, sa femme était morte en la mettant au monde, il avait fait grandir cette petite, et ce malgré l’impression rustre que pouvait faire ressentir sa grande et lourde carcasse de mâle esseulé. Il avait tout  appris à  Jarie, elle possédait tous les arts dans lesquels l’humanité excellait, elle écrivait, peignait, dansait, chantait, jouait  de la harpe et d’autres qu’on ne sait nommer. On eut dit qu’elle n’eut été sur terre que pour satisfaire  à la longue histoire de la création artistique et ce, malgré son âge qui n’avait cependant pas d’importance. Jarie était de ces êtres capable, évidente, transcendante, émotionnelle, sensuelle, animale, brutale dans ses moments créatifs, extraordinaire de douceur dans ses instants de regardeuse, les yeux vers ses rêves. Autant Moseph était laid et droit dans ses rares actions, autant elle était radieuse et belle dans son agitation créatrice que l’on aurait pu dire vibratoire, elle vibrait  à l’unisson du monde , supportant ces instants lourds où tout s’accorde pour que chacun puisse pleurer  en regardant…. la perle et l’écrin, les différences, deux solitudes dans deux mondes différents. Le temps s’arrêta juste pour le moment pendant lequel ils se regardèrent, chacun put pénétrer dans le monde de l’autre….c’était la fin d’un début et le commencement d’une fin.Elle lui prit la main et l’entraîna jusqu’à l’étable où Moseph dormirait dorénavant… je ne sais plus son âge sans importance, Moseph non plus , Adamah n’avait pas d’âge , il gardait….expo-7

Moseph acte 6


Il se retrouva, marchant toujours plus vite, hors la ville, son couteau au sang séché  à la main, fatigué, il s’endormit au pied d’un mur de ferme. Un chien , un autre,  le réveilla, aboyant, essayant de lécher le visage de l’enfant. Sans peur, il se releva, sans geste violent. Ce chien était plus miteux, sale, pouilleux que Moseph lui-même. Il n’avait aucune intention de le tuer, le chien n’avait aucune intention de le mordre malgré sa faim tenace. Moseph du haut de ses huit ans , se leva et marcha  sur la route, le chien le suivit. Tous deux pénétrèrent dans la ferme dont le mur avait servi d ‘oreiller  à l’enfant. Tout y était sale, le sol, les murs, les chiens attachés par de longues chaines, le fermier qui s’avançait vers eux, son ventre plus précisément. Il était gras le  ventre du fermier, le maillot qu’il portait tout autant. Il n’était pas rasé sous son menton, la taille de celui l’en empêchant. Il était énorme le fermier, puant, pétant tant que faire se peut. Il était sale le fermier, ses mots orduriers, son ventre flasque, son haleine comme une fosse  à purin , la couleur de sa crasse comme le sol de sa ferme. Il ne dit rien.  Moseph n’avait pas peur, son couteau dans le dos, il attendait, le fermier l’observait…en silence. Quand on observait le fermier autrement qu’en le regardant, il était couleur de sa terre , odeur de sa terre. Le glèbeux se nommait Adamah, gardien du lieu plus que  fermier, il veillait… Quand on observait l’homme originel, on discernait celui qui savait donner un sens au mot terre, on comprenait celui qui connaissait le goût de sa terre. Le glèbeux était sa terre , il en avait la bienveillance nourricière, la douceur procréatrice, l’onctuosité spermatique. Il était un Golem en marcel, un géant dont l’apparente violence laissait place à une quiétude extatique profonde et sereine. Moseph  le sut , Moseph le vit. Il se dirigea vers lui, lui prit la main, Adamah lui dit: « tu travailleras selon tes forces sur mes terres, tu te nourriras de ce qu’elles te donneront , tu dormiras parmi nous, ton chien aura sa place auprès des miens ». ce furent les seules et uniques paroles que Moseph entendit sortir de la bouche d’Adamah. Il laissa tomber son couteau et suivit l’homme vers une étable où ils pourraient dormir.ppp (39 sur 51) [1280x768]

Moseph acte 5


Il n’en mourut pas, le couteau glissa, coupa…l’autre n’était plus un homme. Garbiel hurla de douleur, se précipita dans la rue, s’écroula  à terre , une mare de sang maculant son pantalon, dont la braguette , pour une fois n’avait pas été fermée. La mère de Moseph, le suivait , hurlant plus fort que lui. Ce n’est qu’une fois qu’il fut conduit  à l’hôpital, que la mère , cette femme, pris conscience du rôle actif qu’avait pris Moseph  à l’émasculation de son homme. Elle se dirigea vers lui avec l’intention de l’étrangler , mais Moseph n’avait pas lâché son couteau. Il le tenait fermement , sachant très bien que tant qu’il ne serait pas parti, ce couteau serait le garant de sa survie. Il était recouvert du sang d’un chien, d’une homme et de divers poils collés. Sa mère décida de le tuer quand il tomberait de fatigue , mais elle l’ignorait que son fils ne  dormait depuis bien longtemps. Il luttait depuis sa naissance contre toutes les peurs qu’un être humain eût pu rencontrer dans une vie…à commencer, à commencer par celle de vivre. Chaque matin, au commencement d’une lumière nouvelle, plus souvent grise que radieuse, Moseph se demandait pourquoi , il était là , comment ferait-il pour finir sa journée ? Comment arriverait-il à calmer sa faim ? Devrait-il encore partager le viande que le boucher jetait  à son chien ? Aurait-il encore peur de ces hommes qui montaient avec sa mère, des attouchements de certains de la violence douloureuse d’autres ? Aurait-il encore froid ? mal ? aurait-il encore le besoin d’imaginer un nouveau moyen de survivre ? Sa vie était comme une guerre calme, une guerre contre une solitude bruyante, entouré d’hommes et de femmes qui ne le voyaient, ne lui parlaient pas, l’utilisaient…. Pour survivre , il ne dormait plus, en contact permanent avec cette réalité. Il comprit que cette femme , la mère voulait le tuer, pas comme le chien, pas comme l’autre…autrement. Il attendit que l’alcool fit son effet, sortit, descendit dans la rue, et pour une fois alla jusqu’au bout de celle-ci, cent mètres ou un peu plus…Il partit, peut être huit ans, son couteau  à la main.robillard laurent (19) [1280x768]

Moseph acte 4


Quand ce chien se fut vidé de son sang, que sa vie quitta ses yeux, que ses yeux arrêtèrent de bouger, qu’il n’y eut plus aucun mouvement propre à ce qui est vie… Moseph sourit lentement, muscle après muscle, comme un papier que l’on défroisse, sourire lui était douloureux, son anamorphose ne lui autorisait pas le sourire , juste le silence et la fixité du regard. Il sourit parce qu’il savait ce qu’il allait faire, là, plus tard. Sa mère dormait souvent le jour, l’alcool: antalgique , anesthésiant, antidépresseur, ne lui laissait que de très rares instants de lucidité, elle avait donc une image de la vie qui passait par sa rue, qu’elle arpentait chaotiquement, son sexe, qu’elle utilisait plus que sa bouche pour communiquer avec les hommes. elle ne leur parlait plus au sens communicatif du terme, elle donnait ses tarifs, puis un premier silence de réflexion pour l’homme, signe de tête et direction la porte de l’hôtel, elle passait devant, l’homme derrière appréciait le chaloupage du cul à hauteur de ses yeux. Une fois dans la chambre, elle ne parlait toujours pas, elle sexait ou bouchait, sans mot, méticuleusement rythmée, elle arrivait d’une manière ou d’une autre  à faire jouir un homme dans le plus grand silence, quand il lui plaisait , elle en prenait un peu pour elle, c’était alors le deuxième long silence post coïtal. Une fois l’escalier descendu, ils se retrouvaient dans la rue et l’homme reprenait sa route là où il s’était arrêté. Le soir, c’était le tour de l’autre qui la prenait par derrière , selon l’orifice,  elle explosait de cris ou de gémissements  rauques, elle sortait de son silence, lui parlait avec des mots qui n’avaient pas plus de trois syllabes. Moseph assistait, assis à terre le dos contre le mur dans le couloir de la petite chambre. Garbiel se taisait, il la besognait, elle aimait… Quand il enjamba Moseph, comme à l’accoutumé, l’enfant lui planta le couteau du boucher encore recouvert du sang du chien entre les deux jambes , au-dessus de lui quand il passa.carcasses-7 [1280x768]

Moseph acte 3


Moseph se mit  à haïr Garbiel… son odeur, sa présence, ne serait-ce que sa lubricité permanente et insatisfaite, tout cela poussait ce petit  garçon à haïr. Il commença par se haïr lui: son corps, son reflet dans la glace, son visage écrasé, la ressemblance avec sa mère, sa mère et puis il finit par Garbiel, non pas parce qu’il possédait sa mère, non, juste parce qu’il l’ignorait volontairement et totalement. Entre ses six et sept ans, Garbiel n’avait jamais posé son regard sur Moseph, on ne saurait dire s’il avait pris conscience que cet enfant était l’enfant de la femme qu’il baisait chaque soir, avant qu’elle n’aille travailler avec son cul et que l’alcool eut amoindri ses sens, sa capacité à dire non et le peu de lumière qu’il restait dans ses yeux. Garbiel une fois sa braguette remontée, enjambait Moseph, comme une valise posée, un obstacle…son pied parfois heurtait la jambe du petit…il ne s’arrêtait pas. Durant cette année passée, Moseph ne réussit jamais  à croiser avec son regard  cet autre, absent mais trop vivant. Et pourtant son regard, c’est ce qu’il avait de plus beau et vivant en lui, un regard qui brillait même dans le noir, un regard qui demandait, juste un mot, un geste comme une main tendue vers lui. Comme il ne pouvait pas parler il avait tout mis dans ses yeux, ses questions, ses envies , les réponses qu’il n’obtenait pas, ses larmes qu’il gardait, ses cris, ses morts, les orgasmes de sa mère, les yeux de sa mère quand. Il réussit  à voler un couteau au boucher, un pas trop grand, un dont le manche pouvait être enserré par sa main d’enfant de sept ans, peut  être. Il tua le chien, l’étripa plus précisément, le vida de toutes les caresses qu’il avait reçues plus exactement.divers (8 of 22)

Moseph acte 2


Un jour imprécis Moseph eut six ans….sa mère, plus que toute autre, était incapable de se souvenir du jour où son enfant était né: « A la fin de l’été », disait-elle. Moseph garda en mémoire ces mots et quand il fut adulte , il se choisit le 21 septembre comme date d’anniversaire. Il eut donc six ans, son visage marqué commençait à apeurer les autres enfants, les hommes de passage ne s’intéressaient plus à lui , il le repoussait plus souvent , sa mère s’en occupa de moins en moins. D’autant plus que quelques mois avant son éventuel sixième anniversaire , un homme nommé Garbiel s’était auto proclamé protecteur de sa mère, cette femme, celle-ci et pas une autre. Il est vrai que malgré son alcoolisme rédhibitoire, sa mère , cette femme, possédait des avantages qui n’appartiennent qu’aux femmes; une poitrine forte et ferme, une croupe qu’elle offrait parfois sans supplément, une bouche dont la gourmandise incontrôlable avait déjà fait le tour de la ville… Cette femme, sa mère, était connue pour ces qualités, ses qualités et ses quantités. Garbiel n’était pas le plus beau ni le plus fort, mais il lui arrivait d’être gentil, doux, prévenant, brutal, violent, pervers…..Elle s’en taisait, prenait un fort plaisir quand il la prenait. Elle n’aurait pas su dire pourquoi, mais elle savait comment, où, qui et avec quoi….Garbiel n’était donc qu’une ordure masculine qui prenait sans donner….son homme, ainsi en avait-il décidé; elle gagnait bien et ne bronchait jamais. Moseph assista donc plus souvent qu’à son tour à leurs accouplements sauvages, brutaux, souvent violents….mais il comprit vite ce que jouir voulait dire… Depuis Garbiel, elle ne lui caressait plus les cheveux comme elle le faisait encore au chien du boucher.stock-88 [1280x768]

Moseph acte 1


Moseph n’avait jamais vraiment été un enfant. Sa mère , dès qu’il sut marcher, utilisa ses pas pour attirer ses clients…Elle se prostituait depuis qu’elle avait quatorze ans. Moseph était donc le fruit de l’union d’un client qui passa puis revint sur ses pas et d’un verre d’alcool pour se réchauffer durant cette froide soirée d’hiver, elle ne sut vraiment jamais si cela était un 23  ou 24 décembre… Il naquit tant bien que mal et en garda une déformation du visage. Sa  mère l’avait oublié deux heures après l’accouchement, le long d’un mur… l’avait-elle oublié, perdu ou abandonné ? Toujours est-il  qu’elle était revenue sur ses pas, avait trébuché sur un caillou et son pied avait écrasé le visage de son enfant, l’enfant…Deux heures après sa naissance, Moseph avait le visage ressemblant à une peinture cubiste,  avait ainsi du mal  à pleurer et c’est pour cela que sa mère l’accepta… pour son silence. Dès qu’il sut marcher, elle  lui appris  à arpenter le trottoir de long en large; pendant qu’elle attendait sous son porche, qu’aucun n’eut osé lui prendre, Moseph marchait , alpaguant les clients potentiels en les tirant par la manche. Dès qu’un homme faisait signe de compassion  à l’égard du petit, elle se précipitait, faisait mine de retrouver sa progéniture égarée depuis quelques instants et essayait au plus vite de conclure la passe… Moseph , alors s’asseyait, sur la marche du porche où  sa mère attendait quelques instants auparavant. Il se souvint longtemps du bruit des talons maternels montant l’escalier de bois de cet hôtel  où ils vivaient tous deux. Lorsqu’elle redescendait, le bruit des talons n’était pas le même  et parfois, selon la somme ou le plaisir, il avait droit  à une caresse, comme celle qu’elle donnait au chien du boucher. Moseph se relevait et recommençait son déplacement  chaotique  sur les quelques mètres de trottoir que sa mère pouvait revendiquer. Il passa ainsi une partie de  cette période qu’on eût pu appeler enfance pour un autre. stock-40 [1280x768]

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