Quand ce chien se fut vidé de son sang, que sa vie quitta ses yeux, que ses yeux arrêtèrent de bouger, qu’il n’y eut plus aucun mouvement propre à ce qui est vie… Moseph sourit lentement, muscle après muscle, comme un papier que l’on défroisse, sourire lui était douloureux, son anamorphose ne lui autorisait pas le sourire , juste le silence et la fixité du regard. Il sourit parce qu’il savait ce qu’il allait faire, là, plus tard. Sa mère dormait souvent le jour, l’alcool: antalgique , anesthésiant, antidépresseur, ne lui laissait que de très rares instants de lucidité, elle avait donc une image de la vie qui passait par sa rue, qu’elle arpentait chaotiquement, son sexe, qu’elle utilisait plus que sa bouche pour communiquer avec les hommes. elle ne leur parlait plus au sens communicatif du terme, elle donnait ses tarifs, puis un premier silence de réflexion pour l’homme, signe de tête et direction la porte de l’hôtel, elle passait devant, l’homme derrière appréciait le chaloupage du cul à hauteur de ses yeux. Une fois dans la chambre, elle ne parlait toujours pas, elle sexait ou bouchait, sans mot, méticuleusement rythmée, elle arrivait d’une manière ou d’une autre à faire jouir un homme dans le plus grand silence, quand il lui plaisait , elle en prenait un peu pour elle, c’était alors le deuxième long silence post coïtal. Une fois l’escalier descendu, ils se retrouvaient dans la rue et l’homme reprenait sa route là où il s’était arrêté. Le soir, c’était le tour de l’autre qui la prenait par derrière , selon l’orifice, elle explosait de cris ou de gémissements rauques, elle sortait de son silence, lui parlait avec des mots qui n’avaient pas plus de trois syllabes. Moseph assistait, assis à terre le dos contre le mur dans le couloir de la petite chambre. Garbiel se taisait, il la besognait, elle aimait… Quand il enjamba Moseph, comme à l’accoutumé, l’enfant lui planta le couteau du boucher encore recouvert du sang du chien entre les deux jambes , au-dessus de lui quand il passa.