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Petite histoire pornocratique de la belle Clémence 22
Clémence continua sa vie prestement commencée, les trois derniers mois qui la conduisaient à sa vingtième année se passèrent silencieusement en observant le monde qui l’entourait, en téléphonant à la femme en noir qui avait commencé à écrire l’histoire de sa vie. Elle avait plutôt écrit ce qu’elle pouvait penser de la vie de Clémence, peut-être se pensait-elle capable de lui imaginer un passé qui serait plus intense que la vie d’enfant que Clémence avait vécue, mais il ne m’était pas possible de savoir ce qu’elle écrivait sur ses feuilles de, papier qu’elle conservait dans un semainier de cuir noir qu’elle s’empressait de confier à son garde du corps, géant de son état, armé et méfiant de par la fonction qui lui était attribuée. J’attendais que ce livre soit publié pour comprendre ce que cette femme pouvait souhaiter de Clémence ou peut-être n’était-ce qu’un simple désir sexuel sublimé que cette femme exultait à travers un écrit qu’elle semblait prendre à coeur ?… Plusieurs fois je la regardai écrire, il y avait parfois un début de sourire qui illuminait son visage et puis cela devenait un réelle tension qui se présentait à ses sourcils, alors elle se concentrait encore plus et au bout d’une dizaine de lignes elle se dépêchait de ranger sa feuille dans son classeur noir, l’homme le prenait sous le bras et il était très dur d’envisager une quelconque prise de l’objet, ses deux mètres étaient un frein à toute tentative. Un soir elle lui fit lire les trente premières pages. Clémence se concentra, effort qui disparu au bout d’une dizaine de secondes, elle sourit, s’apaisa encore plus lorsqu’elle finit de lire. Elle se retourna vers la femme et l’embrassa à ma grande stupeur sur ses lèvres qu’elle avait recouvert d’un puissant rouge à lèvres pourpre… elle en trembla, j’en frémis… Clémence retourna sur ses pas, vêtue d’une robe fourreau mordorée, à la transparence certaine, transparence qui exaltait ce soir là la puissance érotique de ses courbes… Je fus pris d’une érection soudaine que je me refusai à accepter. La femme en noir se propulsa auprès de son garde du corps, elle essuya une larme. Clémence sortit de son tiroir de bureau le portefeuille rose dans lequel elle rangeait la carte que je lui avais confiée quelques années plus tôt.
Petite histoire pornocratique de la belle Clémence 21
Elle la regarda, et de nouveau la rangea au même endroit. Sa vingtième année approchait et elle commençait à saisir avec la plus grande finesse, l’impact qu’elle avait sur son entourage, pour preuve sa micro réussite sociale, qui certes ne lui apportait aucun satisfecit d’ordre matériel et personnel, si ce n’est certainement la compréhension intelligible de ce que sa féminité donnait à la lisibilité à moyen terme de sa vie. Elle installa trois autres jeunes femmes en lieu et place de sa personne qui s’acquittèrent avec la plus grande diligence et vélocité de la fabrication des cocktails. Clémence gérait, créait d’autres boissons sexuées… donnait l’impression d’attendre une suite à sa vie.
La femme en noir réapparut, toujours vêtue de cette même robe noire, qui j’ose espérer était un duplicata d’une nombreuse série que son tailleur avait conçue pour elle. Je ne sais comment elle avait trouvé Clémence, mais quand je la vis entrer dans le bar de nuit qui désormais s’appelait … »Clémence », elle donna l’impression de connaître les lieux, pour preuve elle se dirigea de suite vers l’une des nombreuses portes qui abritait le bureau de Clémence. Malheureusement pour moi, le micro que j’avais réussi à installer une nuit d’un dimanche de fermeture cessa de fonctionner au milieu de leur conversation. Je n’eus droit qu’à la moitié de leur dialogue. Elle se présenta à Clémence comme un écrivain qui l’avait croisée au coin d’une rue il y a presque deux années auparavant, qu’elle avait été marquée par sa beauté et qu’elle voulait écrire un livre sur sa vie. Clémence résuma le fait en quatre mots:
« Vous serez ma biographe…
_ En quelque sorte… peut-être un peu plus romancé que vous ne l’imaginez.
_ Vous n’aurez pas besoin d’ajouter du sens littéraire et romancé à ma vie, elle vous paraîtra suffisamment haletante pour que vous vous contentiez de simplement la raconter.
_ Mais d’abord il faut que je vous racon….. »
La micro tomba en panne à cet instant et la femme en noir sortit une trentaine de secondes plus tard. Je ne pense pas qu’elle ait pu lui dire quelque chose d’important, mais désormais, je surveillais aussi cette romancière…
Petite histoire pornocratique de la belle Clémence 14
Implanter l’empathie féminine au sein du pouvoir masculin avait toujours été notre volonté. L’homme qui m’a transmis cette tâche m’a toujours expliqué qu’il n’était pas nécessaire de choisir ou la plus belle ou la plus intelligente, mais de laisser aller son instinct et de conduire la femme pour qu’elle soit au contact de ceux et celles qui sauront ou n’auront pas d’autre choix que de la mener plus avant. Toute la tâche reposait donc sur la conduite, la conduction et la mise en contact de l’environnement avec les capacités des femmes que nous, les cents nous choisissions. Il m’est évident que Clémence ne brillait pas par son intelligence, ni par son empathie… d’autres avaient par le passé, fait le choix de celles qui devinrent Marie Curie ou mère Thérèsa. Mon choix portait sur cette femme pour sa faculté et sa facilité à opérer comme je pensais qu’il fallait opérer, il y avait une osmose entre mon esprit et sa sphère comportemental… je le ressentais. Beaucoup de femmes détestaient Clémence pour son apparente niaiserie substantielle, beaucoup d’hommes ne supportaient pas Clémence parce qu’elle les obligeait à refouler en eux ce qu’ils avaient de plus odieux, de plus violent, de plus instinctif dans leur sexualité refoulée. Elle était, alors qu’eux se battaient pour ne pas être. Clémence avait une densité telle dans sa manière d’appréhender au plus juste le comportement masculin qu’elle ne leur laissait pas d’autre choix que d’être ou un mâle animal ou un ersatz résiduel de la transmission du chromosome Y, désormais détruit à 97 % par tant de réplications. Elle avait son intelligence dans l’utilisation de l’action exacte au moment où il le fallait, sans réflexion, sans doute, sans regret… elle avançait et à chaque fois qu’on se rendait compte de ses faits, elle était déjà ailleurs dans un autre autrement. Elle passait d’une action à l’autre avec une telle efficacité qu’elle représentait à mon sens la véritable représentation du mot évolution… Elle agissait jusqu’à temps qu’elle ne puisse plus agir ou pour favoriser son intérêt ou pour son propre plaisir… elle était l’action, alors que tant d’autres ne regardaient que l’action.
Petite histoire pornocratique de la belle Clémence 13
Elle reprit sa route sans s’être essuyé le visage qui sécha vite au soleil presque à son zénith. Arrivée à sa tente, elle se déshabilla et se coucha pour une sieste, la tente restait ouverte, tout à chacun pouvait la voir endormie et nue. Je décidai de me reposer aussi.
Depuis la nuit des temps, depuis que l’homme a pu écrire et qu’il a structuré ses sociétés par l’intermédiaire de lois, notre congrégation existe au delà de toutes considérations religieuses, ethniques, sociales ou spirituelles. Elle n’a toujours été composé que de cent hommes, jamais plus, jamais moins qui au fil des siècles se sont passés cette charge et mission de père en fils, d’homme à homme, d’initié à disciple. Chacun d’entre nous a pour mission de trouver celle qui accèdera au pouvoir totale, féminisant la société afin qu’elle ne tombe pas dans le chaos et l’obsolescence. Nous avons compris depuis toujours que la violence innée de l’homme ne pouvait permettre au pacte social initial de perdurer. Seule la bienveillance féminine a pu maintenir un semblant d’harmonie afin d’éviter toute forme d’extinction prématuré de la race humaine par une violence accrue et récurrente. Ainsi depuis toujours nous veillons à l’équilibre des émotions et nous cherchons sans pour autant l’avoir trouvée celle qui sera… elle n’est qu’une élue. Mais ayant pris conscience que notre surnombre ne pouvait permettre une inversion totale de sexocratie et de sexologique, nous avons pris la décision de détruire le monde avant l’année 2050 si aucune amélioration notoire du flux sociétal dégénératif était remarquée et ressentie. Depuis deux mille ans nous avons essayé, parfois avec de belles réussites… Néfertiti, Cléopâtre, Aliénor d’Aquitaine, Mary stuart, Hypatie d’Alexandrie, Jeanne d’arc, Pocahontas, Mulan, Catherine de Médicis, Messaline, Victoria et d’autres encore dont l’Écrit ne retint pas les noms mais qui parfois firent basculer l’histoire positivement mais aussi a contrario de ce que nous avions espéré. Ainsi Jésus avait une sœur jumelle qui fut tuée par un légionnaire romain, mais c’est elle qui le guida dans son destin, si elle n’était morte prématurément elle aurait pris sa place. Attila était une femme, nous étions les seuls à le savoir. Jules César tomba amoureux d’une princesse gauloise qui devait calmer ses ardeurs conquérantes mais elle mourut des suites d’un accident de cheval, fou de douleur il conquit le reste du monde. Christophe Colomb tomba à l’eau poussée par Maria Térésa de villalobos, déguisée en homme et engagée comme géographe, elle savait ce qu’il allait découvrir et ne pouvait mettre en péril les sociétés amérindiennes, mais ce soir là un homme se réveilla et le sauva, elle fut découverte, jetée à l’eau à son tour, Colomb fit jurer à ses hommes de ne jamais en parler, l’Amérique fut découverte.
Petite histoire pornocratique de la belle Clémence 4
Sa vie n’avait réellement débuté qu’à l’âge de ses seize ans, quand elle avait pris conscience de l’impact qu’elle pourrait avoir sur la gente masculine… Son premier amant fut un homme plus âgé qu’elle, un de ceux qui pensent qu’à quarante ans tout leur est possible, que leur influence testostéronique sur les femmes a plus d’importance que la parole qu’ils peuvent avoir avec elle, bref un futur vieux beau, un bito-dépendant centré sur un nombril passant par l’extrémité de son prépuce jusqu’aux poils qui ornent son torse viril… Elle l’avait choisi pour cela. Lui, n’avait pas vu la différence entre une gamine de seize ans et une Clémence de seize ans… On l’a retrouvé le lendemain, au bas de l’hôtel qui avait servi à héberger leurs ébats, leurs abats peut-être ? Il était hagard, se promenait torse nu avec un pantalon qu’il tenait de ses deux mains, des marques de strangulations faites par la ceinture qui aurait du servir à tenir ce pantalon en place. Il avait un sourire béat mélangé à un regard cloitré par la peur, il ne parlait pas, il ne parla presque plus, il n’en parla jamais…
petite histoire pornocratique de la belle Clémence 3
Outre un corps parfait, et même s’il ne l’était pas forcément aux yeux de tous, il possédait en excès de cette force sexuelle et sensuelle qui s’imposait au-delà de toute considération rationnelle et canonique, elle avait également un caractère d’une grande spécificité. Elle n’hésitait jamais… d’aucuns eurent pensé que ces actes étaient mûrement réfléchis au regard de la fermeté et l’opiniâtreté avec laquelle elle entreprenait, avançait, agissait, s’imposait, osait, touchait… disait. Et bien non, elle ne réfléchissait pas , cela faisait partie de cette force sensuelle, elle avait en elle une ressource infinie, directement reliée à la certitude que lui donnait ses formes, son odeur corporelle, sa bouche dont tous les hommes pensaient qu’elle était certainement une des portes du paradis terrestre… mais quand elle l’ouvrait, c’était souvent pour les empêcher de parler plus en avant… elle les tenait en bouche, comme d’autres, avec de puissants bras musculeux soulevaient hors du sol de lourdes charges, elle, d’un sourire, d’une parole riche en labiales ou en sifflantes faisait taire les mâles tout aussi puissants ou investis du pouvoir que l’humanité s’était donnée le droit de donner à ses congénères… Clémence était capable, d’un simple glissement de lèvre ou de langue sur la partie la plus sensible que l’humain puisse posséder, de faire taire, avouer, penser « a contrario »,douter….Elle en usait sans jamais en abuser, elle en abusait souvent jusqu’à l’usure. Sa force de caractère était alliée à l’infime précision de sa sensibilité physique… Jamais je ne lui aurais confié ma bite plus de trente secondes.
Petite histoire pornocratique de la belle Clémence 1
Aussi loin que je m’en souvienne, moi qui l’ait connue, Clémence était parfaite. Elle n’avait pas besoin de parler pour demander, pas besoin de remercier même après avoir demandé… Ceux et celles à qui elle demandait, tombaient sous son charme…tombaient au sens propre, morts parfois, éteints souvent, oubliés d’eux-même à chaque fois. Il est vrai que Clémence avait un corps… un de ces corps outrageusement féminin. La rondeur de ses hanches n’évoquait pas l’enfantement, mais la danse corps à corps, quelque chose entre Salsa d’un soir et amour chaud du matin, son cul était à lui seul une sculpture hémisphérée pour un errant à temps plein, voûte d’un ciel à deux étoiles, dont l’une s’apercevait à l’occasion d’un entrechat et l’autre se remarquait juste au coucher de la précédente. Quant à ses seins, ils explosaient lourdement à la surface d’un décolleté savamment mis en scène pour une seule représentation en un acte… Ceux qui la croisaient, bandaient.
chroniques de la haine apaisée: 20 la mienne
Ce sera la dernière de la série… dernière chronique avant de passer à mes désespoirs de vacances… cette année, immergé dans un camping je serai à la pointe du dialogue social de proximité… j’écouterai, j’acquiescerai au moindre mot prônant que la révolution est proche…. J’en choisirai un, peut-être une et je l’écorcherai verbalement, lui arrachant sa cellulite vacancière, son bourrelet de congés payés…. Je serai odieux, cynique à souhait… imposant mes mots comme d’autres ont oublié les leurs. C’était hier, lors d’un concert de Jazz, je discutais avec deux êtres, avinés, embièrés… le nez rouge et bourgeonnant pour l’un, l’oeil méchant et éternellement bête pour l’autre… de gros foies prouvant l’hydropisie dans ces deux cas. Systématiquement je m’opposais aux dire de l’un, sans le provoquer, juste en argumentant à l’encontre de ce qu’il prétendait être un bon musicien…. je ne donnais que des contre-sens à ses définitions…. en trois minutes il devint vulgaire par manque de vocabulaire, agressif par élévation de sa connerie à la hauteur de son alcoolémie…. con parce qu’il l’était avant de me rencontrer … je n’y fus pour rien. Cet être fait partie de ceux qui ne supportent pas les frustrations de base, celles qui l’ont conduit à dire qu’il aime les femmes et qui a compris qu’aucune femme n’a pu et ne pourra l’aimer. J’ai continué à élever son taux d’hormones par de savantes vérités amphigouriques …. il a glissé dans une pré-violence, contrôlée par le gros ventre de son camarade de beuverie…. je me suis glissé vers un espace vide, satisfait de l’avoir conduit là où il en était…. Le pire c’est qu’en aucun cas je n’ai parlé de sa personne, j’ai juste dit et référé à des contraires, ses mots étaient insignifiants… mes contraires aussi…. Je n’aimais pas son odeur de sueur, acide et vieille, je n’aimais la certitude de son inintelligence, je n’aimais pas sa manière d’être violemment ivre, je n’aimais pas la couleur de son T-shirt, je n’aimais pas sa manière de parler des femmes, je n’aimais pas sa vulgarité de bas -étage, je n’aimais pas son absence de mots, la couleur rosée de sa peau…. cependant il avait raison.
chroniques de la haine apaisée: 18
Il s’était mis au soleil… pour suer, sentir son corps se liquéfier. Il s’était mis au soleil de midi, celui qui perce la peau , l’enrougit par delà le muscle et la viande…. Il s’y était endormit. Le soleil chauffant plus qu’à son habitude… Il était entouré de ses herbes dites de Provence qu’il aimait tant à sentir au début de l’été: romarin , basilic…. le vent souffla fort malgré la limpidité du ciel bleu, si fort que fleurs et plantes, arrachées par le vent, recouvrirent son corps brûlant… mais il continuait de dormir sous ce soleil plus puissant que jamais. Les odeurs de son corps chauffant exaltées par la puissance odorifère des plantes qui, de par le vent et la sueur s’étaient accolées à la chair de l’homme qui, au soleil, s’était endormi… Il fut mort à la nuit tombante en ce premier jour d’été, mort mais sentant bon… les jours passèrent d’une chaleur violente…. son corps rôtit. ON retrouva ses os, quelques uns rongés, d’autres avec un peu de viande que les fourmis avaient fini de récupérer…. c’est son chien qui avait beaucoup grossi.
chroniques de la haine apaisée: 13
Et pourtant il n’était pas grand, mais il avait tenu à le faire lui-même…. Il descendit donc l’escalier de sa petite maison, sous le regard attendri de ses parents. C’était la première fois qu’il partait ainsi seul, chasser. Il était équipé de son petit attirail de prédation que lui avait confectionné son père…. la chasse était désormais leur seul moyen de subsistance; à eux comme à tous les survivants de la grande extermination, celle de la fin d’avant, celle qui avait conduit la vie à presque totalement disparaître. Cela avait été le choix des nations, la planète étant exsangue, infertile, surpeuplée…. définitivement exploitée; les grands hommes de ce monde avaient tous appuyé sur le bouton ensemble , celui qui avait permis l’explosion finale, celle qui eût pu laisser une chance à quelques-uns par un retour légitime à la sélection naturelle…Les doses massives de radiations avaient provoqué des mutations, prévues et attendues… la vie devait continuer quelque soit la forme dans laquelle elle habitait. Il partit donc à la chasse dans la ville, là où il y avait encore du gibier, essentiellement des bipèdes, difficile à chasser mais goûteux avant tout. Il les piégeait avec un peu de nourriture qu’il plaçait sur un bout de soie, généralement ils se retrouvaient pris dans l’engluement de la soie et il n’avait plus qu’à les piquer. Ce soir-là il en ramena deux: une femelle à poils blonds et un mâle des montagnes. Il déposa les cocons sur la table, sa mère l’enlaça de ses huit pattes…en l’embrassant, les cocons bougeaient derrière eux…
chroniques de la haine apaisée: 12
Il se tordait de douleur, empoignant sa barre de lard ventral de ses dix doigts crochus et noueux. Durant un court instant il se pencha face à terre, cherchant un souffle second, un de ceux qui vous permet de gagner dix ou quinze secondes durant une fin de vie. C’est en relevant son visage vers cette porte d’un jaune éteint qu’il retrouva un faciès moins contraint, crispé, violenté. Il sentait venir l’instant où ce serait fini, fin d’une douleur, fin d’un spasme, fin de sa faim toujours incontrôlée. Il y avait aussi cette lame, plantée juste dans son nombril… Il ne sentait pas la douleur , mais le lent écoulement de ses intestins vers le sol, écoulement chaud comme une défécation ordinaire d’un lendemain de banquet. L’autre, celui qui avait tué souriait…. Vint l’instant où il aurait dû lâcher son dernier soupir, mais cet ultra mangeur, cet ogre construit à coup de petits sablés, de viandes en sauce et de fromages entiers se contenta d’un pet foireux pour dernière expiration…
chroniques de la haine apaisée: 10
Ils se tenaient tous face à lui, équipés de leurs stylos et bloc-notes appropriés. Ils étaient là, dans la phase ultime de l’observation… Lui, était un petit garçon de 7 ans, blond aux yeux noirs… Il était le dernier cas observé et répertorié de déviance comportementale. Depuis dix ans déjà, grâce au progrès de la science et de la médecine ou plutôt de la médecine et de la science… Il n’y avait plus aucun cas de violence, de différence, d’exaltation artistique. Il n’y avait que des êtres en accord avec l’Idée, il n’y avait qu’une solution, qu’une question à la fois et qu’une réponse possible…Une société sans remous, sans larmes, sans avenir imprévisible. Lui avait été repéré dans une école, ses parents morts très tôt d’un regrettable accident que personne n’avait sincèrement regretté. Lui avait dit « grosse conne » à sa maîtresse, lui avait frappé ses camarades, lui avait fait caca dans un couloir. Deux jours après, les plus grandes sommités scientifiques mondiales s’étaient rassemblées pour élucider son cas. Lui résistait à toutes les molécules, Lui résistait à toute forme d’imprégnation psychiatrique, Lui leur disait merde en souriant…. et tous étaient face à Lui sans comprendre… Dieu, dans son infini sagesse avait enfin envoyer son fils sur terre pour remettre en marche le processus vital….. Lui leur cracha à la gueule et rota un coup.
chroniques de la haine apaisée: 9
Geneviève tenait dans sa main droite, fortement resserrée sur l’enveloppe siliconée de l’objet, la télécommande de la télévision, neuve. Elle ne laissait personne choisir les programmes… le programme. Elle n’en regardait qu’un, une sorte de feuilleton qui depuis vingt ans permettait à des acteurs, désormais vieux, de jouer au jeu de la vérité vécue…Ils vivaient devant les caméras et étaient donc regardés par une bonne partie du pays selon les sondages, une partie aussi âgé que les acteurs. Elle tenait donc sa télécommande, maladivement… Elle ne se levait de son fauteuil que pour se coucher dans son lit, à la fin du programme, dormait ses six heures et se relevait pour s’asseoir dans son fauteuil… tout cela sans lâcher la télécommande. Un soir, elle ne se leva pas, elle venait de mourir, juste avant la fin de l’épisode. Elle vivait depuis longtemps avec sa fille, toutes deux avaient fini par se détester en silence, une haine de trente ans dans un silence coupé par la voix des acteurs. Sa fille, Anne, se rendit compte que sa mère venait de décéder. Elle se dirigea alors vers son fauteuil, prit la main de sa mère, celle qui tenait la télécommande, appuya sur son index, celui qui aurait pu changer de chaine, avant. Elle se contenta d’appuyer dessus… changeant ainsi de chaine, puis elle alla se coucher.
chroniques de la haine apaisée: 6
J’étais une femme… je marchais, attentive et improductive. J’étais une femme désireuse d’un homme, pas n’importe quel homme… pas un de ceux pour qui leur sexe leur sert de mémoire, pas un de ceux pour qui éjaculer signifie me parler… un homme plus féminin que moi était ma quête. Je le croisai, il était incertain et portait son regard alentour en quête d’une odeur de femelle, cela se voyait qu’il en voulait une. Je m’en suis approché, face à lui, mon regard prêt à capturer le sien. Je m’offris à lui dans l’immédiat… un homme ne sait pas refuser une femme qui s’offre, une femme qui veut. Il m’a prise comme j’ai voulu, quand j’ai voulu, je n’ai pas entendu le son de sa voix, il n’a pas entendu la mienne, mes lèvres sont restées serrées autour de son sexe.Je suis rentée chez moi, après… Mon mari, mes enfants, mon autre vie, mon autre moi, mon corps replié, mes orgasmes, seule, dans la cuisine, mes orgasmes seuls dans la cuisine… et mon mari me demandant ce qui m’arrivait. J’ai alors répondu par le déni, le rien de grave coutumier… je jouissais en mon intérieur… ma cul, comme dit une amie, sur la chaise de ma cuisine. J’ai consommé beaucoup d’autres hommes, de voiture en terrain vague, de chambre d’hôtel en porte, d’ascenseur en cave, de sol en sous-sol… Je n’étais pas une salope, juste un enveloppe qui ramenait ses orgasmes à la maison pour les jouir tranquillement assise sur sa chaise une tasse de café à la main… comme tout a une fin, il y en a un, qui un soir avant de rentrer chez moi, m’a tuée. J’en suis morte, il n’y a pas d’enfer, pas de paradis, juste la sensation infinie du dernier moment vécu… ce soir là, j’ai joui…
chroniques de la haine apaisée: 5
Angélina… je lis ! dit-il à sa compagne qui l’importunait par de subtiles caresses aphrodisiaques. Il était absorbé par la complexité de l’ouvrage, là d’où je vous écris, je ne pouvais en lire le titre. Elle tournait autour de lui, lui caressant la nuque de ses doigts insistants, laissant ses ongles courir sur une peau refermée, cependant ses ongles laissaient une trace rose, trace qui s’amplifiait le temps passant. Arrête…! je lis. Il répéta ces quelques mots à nouveau, mais Angélina avait commencé à déboutonner les boutons qui maintenaient fermement sa poitrine sculpturale… elle ne portait pas de soutien-gorge et il n’y avait que deux petits boutons de plastique simili nacrés qui le séparait du bas-relief égyptien à une interprétation contemporaine d’un volume de Brancusi. Seul le galbe interne de son sein gauche s’épancha dans son champ visuel de lecteur dévorant. Arrête…! ! Elle s’assit devant lui , en remontant sa jupe jusqu’à l’hémisphère de ses hanches qui rendait impossible toute fuite de cette jupe par le haut, de toutes façons elle eut rencontré ses seins avant sa bouche qu’elle avait ce jour recouvert d’un rouge à lèvres des plus putassier qui fut. Sa jupe retroussée s’arrêta au niveau du fond de sa culotte de mousseline chaire… On eut cru qu’elle était entièrement nue de sexe et de lèvres. Elle vint s’asseoir sur un des genoux sur lequel ne reposait pas le livre qu’il lisait. Ça suffit…!!! Il se releva fermement, elle en aurait chu si ses cuisses n’avaient été musclées et galbées, elle se tint droite, le jupe relevée, le sein nu, l’autre à peine couvert. Il s’était précipité dans la cuisine avec son livre… Elle le suivit, non sans avoir auparavant quitté sa fine culotte. Quand elle y pénétra , il était assis sur l’une des chaises de Formica jaune, épidermiquement concentré sur son ouvrage. Elle laissa tombé sa culotte sur les deux pages qu’il était en train de lire. Il la prit alors par les cheveux, lui fit faire un demi-tour en appuyant violemment sur sa hanche gauche, la coucha face sur la table, s’empara d’un rouleau à pâtisserie qui était rangé sur l’une des étagères au-dessus et la frappa de quatre coups sur la tête au rythme de la cinquième de Beethoven qui passait en fond musical sur l’une des radios locales qu’ils écoutaientt auparavant. Elle glissa à terre, la jupe relevée laissant apparaître un pubis glabre surmontant un sexe aux lèvres symétriquement dessinées. Le sang, couleur du rouge de sa bouche désormais ouverte, coula, maculant le sol. Il reprit son livre.
_ »B et A, ça fait donc BA… »
chroniques de la haine apaisée: 4
Ce matin j’ai marché dans la rue. Pour l’occasion, j’avais revêtu mon blouson vert, celui qui appartenait à mon père, le blouson pas le vert… c’était un blouson avec lequel il marchait dans la rue. Il croisait des gens, les gens ne le croyaient pas quand il leur disait qu’il les avait croisés… les gens ne croient jamais ceux qui croisent. Les gens souvent ne regardent pas ceux qui coupent leur chemin ou ceux qui les accompagnent sur les même files qu’eux, vous savez , ces grandes files fluctuantes qui s’étendent dans les rue des villes, ces files de gens qui se croisent, c’est incroyable qu’ils ne se heurtent pas plus souvent. Ce matin, j’ai marché dans la rue, en blouson vert , tout comme mon père. Je me suis mis à suivre pour éviter de croiser. J’ai suivi ce jeune homme au pas rapide mais mal rythmé, cette jeune fille à la jupe légère, le vent m’a fait don de la couleur de son sous-vêtement. J’ai suivi aussi cette grand-mère pour laquelle un pas durait aussi long que trois des miens, pour elle j’ai durant quelques minutes respiré et vécu au ralenti. J’ai suivi ce chien au pas erratique, à la truffe questionnante, quelle odeur avais-je donc pour ce chien ? J’ai suivi cette autre femme dont la marche réglée par la hauteur de ses talons aiguilles lui conférait une allure animale, tout comme si une gazelle eut été vêtue d’un tailleur noir. Puis, je me suis arrêté, perdu d’avoir trop suivi… je suis reparti suivant d’autres personnes, suivant dans le sens inverse à la marche qui m’avait perdu…. Je suis revenu vers le lieu du départ. Mais derrière moi, je sentais un rythme de pas qui perturbait ma concentration. J’ai ralenti, le rythme du pas s’est estompé, mais il était toujours présent… Je me suis arrêté de nouveau, il y eut le silence d’une ville. Je me retournai, un homme derrière moi visiblement me suivait. Je suis reparti, accompagné de celui qui derrière moi m’accompagnait; je me suis lentement dirigé vers une ruelle sombre où là je me suis caché afin de l’étrangler, je déteste qu’on me suive. Dans le noir, derrière un porche, j’ai serré son cou aussi fort que je pus, il en est mort. Mais cet homme était suivi; je ne l’avais pas cru quand celui que j’étranglais me dit avant de mourir de faire attention à celui qui le suivait… il m’a tué d’une balle dans le dos parce qu’il n’aimait pas le vert de mon blouson, je n’ai même pu croiser son regard.
chroniques de la haine apaisée:3
Tout avait commencé par un orgasme de fin de soirée, un orgasme convenu, attendu… nous l’appellerons plaisir, il avait été respiratoire, en accord avec ma vie du moment… il sera oublié, malgré la volonté que je développais à vouloir mémoriser tous mes instants de plaisir. Celui-ci ne fut donc qu’une respiration plus longue, un incertain soupir. Après m’être rhabillé, après qu’elle soit revêtue, nous étions sortis hors cette chambre d’hôtel qui pendant un temps court mais lourd avait été l’espace de nos ébats amoureux, je ne l’aimais pas, elle ne m’aimait pas, cependant nos corps s’étaient touchés… au moment de nous quitter, elle se retourna vers moi qui ne m’étais pas retourner pour partir… nous étions face à face…un silence de trente secondes sans lourdeur. On y retourne ? me dit-elle. Comme nous n’avions pas encore rendu les clefs, nous entrâmes dans cette même chambre. Ce deuxième orgasme fut plus violent que le premier, à la fois dans le contact physique et dans l’expiation de la tension sensuelle accumulée… Nous fûmes à l’unisson, à l’unisexe, à l’unisens…un accord encore. Il s’en suivit une petite heure de sommeil partagé, un sommeil profond qui nous paralysa. Nos corps étaient nus, froids… au réveil nous retrouvâmes de nouveau visage contre visage , elle n’était pas belle, je n’avais rien de beau. Nos corps étaient plutôt lourds, sa poitrine tombante, une légère adiposité nous caractérisait… la violence du troisième orgasme nous amena à nous frapper, nous mordre jusqu’au sang, nous griffer… nous oubliâmes certains tabous… ces prémisses douloureux aboutirent à une violence orgasmique que je n’avais jamais connue… je n’avais jamais battu une femme, je n’avais jamais été frappé par une femme. Nous étions assis dos à dos, assis chacun sur le bord de notre lit. Je n’aimais pas son odeur ni son corps, elle avait recraché mon sperme comme un vomissement… je ne pourrai localiser l’épicentre du quatrième orgasme, je serre son cou si fort qu’elle semble ne plus respirer, je suis si profondément ancré en elle que je ne peux plus localiser d’où je ressens… je n’aime son gros cul de toutes façons.
chroniques de la haine apaisée:2
J’étais assis dans le métropolitain suburbain, je voyageais de chez moi à chez lui, pour ce je m’étais vêtu d’un pantalon de laine gris, d’une veste sombre… mes chaussures brillaient, je les avais cirées le matin passé… j’aimais ce brillant mordoré qui enveloppait le cuir vieilli de mes fausses chaussures anglaises. Mes lunettes étaient propres, sans taches aucunes, je prenais loisir et plaisir chaque matin à les ultrasonnées,leur écaille translucide était assortie à la couleur du cuir brillant de mes chaussures. J’étais assis, petitement, je ne regardais rien, je ne pensais qu’à la satisfaction naissante qui emplissait mon corps, j’allais jouer au Scrabble chez lui et je savais que j’allais encore gagné, je m’y préparais depuis de nombreux jours. Chaque mois, je retrouvais mon père, pour une partie de Scrabble, chaque mois je gagnais cette partie, j’allais encore gagner celle-ci.
Je frappai à sa porte , il m’ouvrit et me tourna le dos immédiatement sans me parler comme à son habitude… Le jeu était préparé sur la table de chêne doré de la salle à manger, il avait recouvert celle-ci d’une toile cirée à l’imprimé boisé imitant le contreplaqué de hêtre. Le jeu était posé, le tirage n’avait pas encore été fait, il m’attendait. Nous nous assîmes, face à face, toujours dans ce silence propre aux grands évènements et propices aux grandes concentrations. La partie commença comme d’habitude , si ce n’est un tirage qui fut dès le départ plus favorable à mon père… mais mon vocabulaire plus riche devait me permettre finalement de gagner. La partie dura une heure et trente-huit minutes, à la fin de celle-ci, j’avais une petite avance sur mon père et il me paraissait improbable qu’il put placer un mot entier, tout au plus une lettre… j’avais analysé toutes les possibilités, comptabilisé toutes les lettres… il ne pouvait pas en être autrement. Il plaça un petit mot, simple, auquel j’avoue je n’avais pas pensé: con… l’une de ses lettres comptait triple. Au total mon père avait un point de plus que moi. J’ai gagné dit-il avec un large et franc sourire remontant jusqu’à ses yeux qui me fixaient exaltés. Je me levai, pris ma chaise de chêne, la levai au-dessus de ma tête et le frappai plusieurs fois, à mort… son sang tachait le faux tapis persan de la salle à manger… Il m’avait parlé pour la première fois et je n’aimais pas le son de sa voix…
chroniques de la haine apaisée:1
Je suis abasourdi par ce petit bruit de grignotement qui provient du corps de mon ennemi, les vers et les rats ont commencé à le recycler… le recyclage, la consommation du 21 ème siècle. Il est donc là, à côté de moi, définitivement éteint, son léger courant électrique qui parcourait son regard quelques jours auparavant, s’est évanoui dans la nature, il a rejoint le flux constant. Nous étions ennemis, sans pour autant se connaître… il habitait en face, de l’autre côté de la rue, je me souviens de sa silhouette sombre qui passait devant sa fenêtre, le fusil à la main, parfois il ouvrait les battants, sortait le canon de son arme et tirait. Je ne l’ai jamais dénoncé, je le comprenais… en silence. Je comprenais cette pulsion de mort qui l’habitait, je le regardais et au moment où les corps tombaient, je souriais… Un jour, c’est vers mes fenêtres qu’il a ouvert le feu, il m’a raté mais la balle a traversé la pièce et est allée briser la vitre qui protégeait le maillot de l’équipe de Rance qui trônait en l’exact milieu du mur situé à l’opposé de la porte fenêtre de mon appartement… J’ai pris le couteau de cuisine, j’ai descendu sans me presser les quarante-huit étages de ma tour, j’ai traversé la place et j’ai rejoint, sans prendre l’ascenseur, la porte de l’appartement derrière laquelle vivait la silhouette, j’ai frappé à la porte, il ou elle a ouvert, je n’ai pas cherché à savoir, j’ai frappé d’un vingtaine de coups profondément portés… Il ou elle est tombé. Je me suis alors autorisé à pénétrer dans son salon. Sur le mur à l’opposé de sa porte-fenêtre, exactement au milieu du mur, protégé par une vitre à l’épaisseur conséquente, le maillot de l’équipe de Rance maladroitement rapiécé vers l’emplacement du coeur, une taille au dessous de la mienne….
autobiographie d’un autre:11
Toucher ce ventre l’emplissait d’une couleur rose, d’une chaleur sonore…. il déplaça sa main de ce ventre vers son ventre, il ressentait l’amplitude de la respiration, l’autre enfant face à lui commença à le frapper de petits coups de poings placés au-dessus de la joue droite. Il ne constata la douleur que lorsque le sang commença à couler le long de sa joue. Le dernier coup posé de l’autre enfant s’ensuivit d’un geste réflex de notre enfant, un geste qui parti de la main de son ventre, posée. Celle-ci termina sa course, refermée en un poing qui enfonça l’estomac obstacle qui se trouvait en face… Il y eut des pleurs, des cris, un hurlement… du silence avant une fuite en courant.Il sourit…
Autobiographie d’un autre: 10
Le premier contact fut, pour lui, tout aussi surprenant que déplaisant. Il était habitué à une certaine froideur des objets inanimés et toutes les sensations de contact physique qu’il avait pu avoir auparavant n’avait toujours été que des instants de peurs et d’angoisses… La chaleur qu’il sentait, l’élasticité de la peau, et quand bien même si avant ce moment ces deux repères avaient été des synonymes de fuites et de dérobades de la part des autres,et bien là cela le rassurait désormais.Il laissa sa main posée sur cet autre enfant et entreprit un voyage en profondeur dans la chaleur de sa peau. Ce n’était pas l’odeur de l’autre , ce n’était pas l’éventuelle appétence que pouvait procurer son jeune et beau visage… c’était en premier lieu, la sensation d’une chaleur corporelle différente de la sienne. La différence thermique qui existait entre leurs deux êtres suffisait à lui donner la certitude d’une autre réalité, presque semblable à la sienne…. pendant que l’autre enfant le griffait, il laissa sa main posée sur son ventre à contempler de sa paume son étonnante chaleur existante .
Autobiographie d’un autre: 9
Elle ne se retourna pas mais pensa pendant un temps long et pesant à cette chose, lui, et à ce moment où elle avait été nommée maman, de nombreuses fois elle pleura de ne pas avoir su le prendre dans ses bras et de l’avoir étouffé… C’est de sa mort qu’elle pleurait, sa mort qu’elle lui avait refusée.
Lui, resta sur son sol, ayant déjà oublié, oublié et encore oublié. Il n’avait ni passé ni futur. Son existence se limitait à un passé exact, ne se souvenant de rien de ce qu’il avait vécu, ne se projetant pas dans le temps pour exister. Il était au sens le plus précis de ce verbe, il était là. C’est cet état de présence totale , non inscrit dans le devenir ou l’avoir été du temps qui le rendait invisible aux yeux de tous…. Cependant, au moment où d’autres eurent dit qu’il avait peut être cinq ans, il se passa un changement dans sa vie. Un autre enfant prit conscience de cette existence parallèle et vint s’asseoir à ses côtés. Il le regardait , le touchait, le griffait, le mordait, le goûta…. l’autre alors laissa quelques terminaisons nerveuses explorer le champ de la communication tactile… il toucha.
Autobiographie d’un autre: 8
Maman, maman… puis il se tut. Elle s’en approcha lentement; comme si elle n’avait jamais vu d’être aussi différent, aussi loin de la perfection qu’il était proche de la ressemblance à tout autre existant… Elle le regarda mais n’en sourit pas pour autant, elle ne savait que dire. Était-il un enfant ? était-il encore un enfant…. elle se pencha sur lui, déjà, il ne la regardait plus, il ne la savait plus. Son mot dit n’avait pas été empreint de sens , juste de la saveur qu’il y a à le prononcer. Cela faisait bien deux minutes qu’elle l’observait, elle ne l’avait pas encore touché. Elle le prit à bout de bras… leurs yeux regardants se croisèrent… Elle continua à se taire, il continua à être ailleurs, peut être à l’intérieur de la couleur de ses yeux… Le temps lui parut infini. Cette petite chose l’avait appelé maman. Elle n’avait pas d’enfant, croyait ne pas pouvoir en avoir et avait compris qu’elle n’en désirait pas. En échange de cette volonté de ne pas participer à la surpopulation de la planète, elle avait le choix de travailler dans un orphelinat, centre de tri, de vente et de location d’enfants sages et moins sages… mais lui, il avait dit ce qu’elle ne voulait pas entendre…. Elle le laissa retomber à terre lourdement, repartit vers d’autres occupations. Il regarda de son sol, la forme des talons aiguilles de cette femme qui s’éloignait en souriant…. « il y a des choses impensables » dit-elle entre ses lèvres…. Il répéta maman pour la seconde fois, plus fortement que la première. elle l’entendit mais ne se retourna pas…
Autobiographie d’un autre: 6
N’ayant pas acquis le langage , il n’aurait su exprimer la profondeur des instants passés au sein de la couleur rouge du cuir du fauteuil qui, poussièreusement trônait dans l’entrée de l’orphelinat… mais il y avait été de longues heures durant, restant atterré par les subtilités lumineuses du rouge, plus proche du vermillon cochenillard, voir métallique que du carmin pourpré qu’il avait eu l’occasion de visiter lors du passage de ces hommes dit d’église. Son voyage dans le rouge lui avait éteint les yeux pour quelques temps,les heures suivantes le pendant peut-être… il n’était qu’un enfant ou l’image d’un enfant puisqu’aucun adulte n’eût loisir à considérer son état vivant comme l’émanation de l’état d’enfance… Il l’était l’autre, simplement là et personne n’aurait osé ni désiré le nommer autrement que l’autre… Conçu de la même manière que tout être humain, par simple relâchement hormonal (faisons fi de l’amour qui n’est qu’une excuse à notre multitude perturbante et perturbée), oublié, abandonné, égaré, rejeté, lâché… il vivait au même titre que tous les autres mais était le seul à ne pas appartenir à l’espèce humaine… malgré son jeune âge, il avait conscience de la précision avec laquelle il mémorisait ce monde qui l’entourait, l’existence de celui-ci prenait, petit à petit, vie dans le regard parfois noyé des larmes occasionnées par ce qu’il avait vu. L’autre construisait l’âme du monde dans lequel vivaient tous les humains qui, dans cet orphelinat poisseux, lointain, zoomythifère, existaient… aucun d’entre eux n’avait encore pris conscience qu’ils étaient, jusque dans l’émanation physique et endocrinologique de leurs existences basiques, l’ersatz vital de ce que lui, l’autre, ne pouvait être. Il allait leur signifier.
Autobiographie d’un autre: 5
Il choisit de se déplacer, rampant, glissant, tel un ver… l’usage des jambes ne se faisant que si la stimulation est proportionnelle à l’envie d’aller, on ne se déplace que si l’on va… il ne voulait pas aller, il se contentait de petits déplacements d’un point de vue à un autre…il s’orientait pour voir autrement, s’accaparant les détails d’un espace commun. Il posait sa tête pour regarder, de longs moments, parfois des heures avérées. Il prenait ainsi possession des écailles de peintures d’un mur ancien, le considérant comme un ciel ou un autre espace physique. Il investissait les veines du bois des pieds d’une table, s’y déplaçant de ses yeux comme sur les eaux d’une rivière, il rencontrait des odeurs au coin des bras des femmes qui attendaient … Il se battait avec des corps animaux, des silences hors la vie. Tout cela sans jamais fermer ses paupières… Il était l’autre mais cependant le seul qui, malgré son incapacité à bouger hors les murs de l’orphelinat, poussait sans qu’il eût su l’expliquer, le sens commun de la notion d’ailleurs à un mode de voyage spirituel…. il n’avait que quelques années tout au plus et avait déjà été si loin.
Autobiographie d’un autre: 4
Il voyait entre deux regards ce que ses yeux lui permettaient de voir…Il était souvent ailleurs, nous dirons perdu dans un de ces lieux ou endroits où on avait pu l’oublier, regardant autrement toute cette humanité grouillante mais cependant absente. N’ayant aucun point de repère affectif sur lequel poser la tendresse que ses yeux pouvaient exprimer, il s’arrêtait sur de simples détails: le gris d’un mur évoluant en fonction de la force de la lumière naissante, les verts infinis de la mousse sur la base d’un mur humide de la pluie de fin soirée… le vide grandissant entre deux objets fixes…. des choses et moments qui n’appartenaient qu’à lui et que je ne saurais vous décrire… comment décrire ce qu’un seul peut voir ? Quand il était ainsi concentré sur de fins instants solitaires et sincères, ceux qui le remarquaient, parfois, le déplaçaient afin qu’il ne gêna plus…vide, éloigné, il se retrouva ainsi face à des murs. Il choisit assez tard de se déplacer.
Autobiographie d’un autre: 3
Il pouvait essayer de vivre, encore eut-il fallu qu’on le lui permit…vivre peut être ce qui paraît le plus simple dans son expression la plus basique, voir la plus cellulaire qui puisse s’exprimer… cependant l’autre parfois s’arrêtait de vivre, son coeur s’arrêtait, ses yeux se fermaient, cela ne durait qu’un instant mais cela aurait pu être définitif si un autre, différent mais cependant là, ne l’avait frappé ou poussé pour que cet organisme redémarre. Malgré son tout petit âge, quelques années tout au plus, l’autre s’imposait par son éclatante transparence. On l’oubliait trop souvent, le déplaçait d’orphelinat en orphelinat, parfois même on le prenait pour un autre, tant et si bien qu’il se retrouvait ailleurs sans qu’on eut su dire d’où il venait et pourquoi il se retrouvait là. Il restait alors là ou ici, expression sublime de la plus grande neutralité, être insipide, incolore, inodore. Il puait, était laide, n’était pas, ne fut pas…on s’interrogea parfois pour savoir qui et puis on l’oubliait pendant un cycle qui le conduisait jusqu’aux abords de la mort et par hasard des plus chaotique cela repartait. Cependant de l’intérieur, il voyait entre deux regards et ses yeux fermés en apnée.
Autobiographie d’un autre: 2
Il était né un matin, du ventre d’une mère, pas la sienne, d’un père qui d’ailleurs aussi n’était pas son père… Son père aurait dû féconder la femme qu’il avait épousée, mais il eut une relation avec une autre. La femme de son père, qui aurait été sa mère autrement, avait eu un enfant mais d’un autre homme que son mari… ce destin se mélangeait dans plusieurs vies…il y eut aussi cette incohérence à la maternité où ces deux femmes accouchant le même jour à la même heure, qui n’eurent pas l’enfant qu’elles devaient avoir, se retrouvèrent avec d’autres enfants que ceux qui étaient les leurs…papiers mélangés, berceaux déplacés, manque de lumière, bordel ambiant, bref une situation somme toute banale quand il y a de la vie. Puis il en mourut rapidement deux, plus ou moins tués pour les raisons précédemment dites…et enfin un troisième qui disparut de mort naturelle. Il n’en resta qu’un qui après de multiples disputes, échanges, alternances, recherches en paternités, maternités, recherches parce qu’il avait été oublié, et certainement encore échangé, voir volé, se retrouva abandonné parce qu’on ne savait plus qui il était…Il était l’autre, celui qui n’avait d’existence que parce qu’on voulait bien encore lui en accorder une… Il pouvait essayer de vivre.
Autobiographie d’un autre:1
Il était un homme, de petite taille, à l’âge incertain, un peu plus que celui que vous lui auriez donné. Il vivait dans une de ces grandes bâtisses dont l’espace se partageait entre plusieurs êtres… Il ne connaissait personne de cet environnement proche, ne faisait rien pour en connaître. Il avait une certaine corpulence, que nous dirions épaisse, voir noueuse… cependant sa masse n’en imposait à personne, il ne connaissait personne et personne ne cherchait à le connaître. Son âge, sa vie, son goût inné, plus qu’acquis, pour une relative solitude l’avait conduit à plonger dans de longs et lents moments de réflexion méditative, lesquelles étaient pour lui un avant-goût de sa propre mort qu’il anticipait de longues années à l’avance… Il ne mourrait pas de suite , il fallait d’abord que son histoire soit écrite. Il vivait. Voilà, un jour il était né.