Elle revint vers ses écrans, apaisée mais non repue. Elle caressa de sa main gauche la paume de sa main droite, observa plus délicatement les circonvolutions de son index et s’aperçut qu’ils avaient disparu, mais à leur place la peau avait muté. Elle était devenue transparente, translucide, elle voyait sa chair, son sang, ses artérioles ramifiées. Elle eut une peur panique, se précipita dans sa salle de bain pour se regarder dans la glace… Elle n’avait pas changé. Sa peau était toujours aussi claire, ses taches de rousseur illuminait un visage qu’elle avait fermé il y a quelques temps: les soucis, les craintes, les questions sans réponses, les réponses à des questions qu’elle n’avait jamais voulu se poser… la peau de son corps suintait d’une légère sueur parfumée, cette sueur spécifique de l’acte d’amour. Elle passa sa main sous son sein, lentement, comme il le faut pour sentir la finesse d’une peau, puis elle porta ses doigts à son nez…. elle sentait. Elle sentait l’odeur d’un autre, une odeur qu’elle n’avait jamais connue. La peur panique laissa place à une angoisse accompagnée de lourds battements de coeur. Elle dut s’asseoir pour ne pas chuter, ferma les yeux, puis s’endormit rapidement mais pour quelques secondes. Elle fut réveillée par le téléphone. Ce n’était qu’un appel professionnel qui s’éternisa. Elle était toujours nue et son esprit avait été perturbé par cette communication, elle se dirigea vers son bureau, elle devait terminer rapidement la commande d’un client mécontent. Elle s’empara de sa chose, ouvrit un dossier, manipula quelques images de façon mécanique et maladroite. Elle travailla ainsi pendant une demie-heure, très concentrée, oubliant jusqu’à ce moment précédent qui l’avait éprouvée. Elle travaillait les images de l’intérieur, manipulait les pixels comme si cela avait été des billes qui roulaient sous ses doigts, elle sentait de manière très lointaine les mains des autres qui parcouraient leurs claviers, leurs écrans tactiles, leur pad…. elle sentait, jusqu’à en oublié sa corporalité… Alors qu’elle avait l’impression de manipuler une sphère comme si c’eut été un simple ballon , elle sentit un doigt toucher la peau de son sein gauche. Ce n’était pas son doigt…