Depuis quelques temps , je suis penché au bord de l’intérieur de mon être, hêtre…J’y vois passer la durée chronométrée mais égarée, l’oubli sans infini…..Il faut reconnaître, à ma décharge que la position « au bord de l’intérieur » est des plus inconfortable, je n’y resterai pas toute ma vie, j’y suis par pur égocentrisme, quoique le bord de l’intérieur se situe un peu plus loin que le centre du milieu d’où je suis parti autrefois. Je ne m’intéresse que très peu aux limites , elles sont surtout ici pour être franchies en toute franchise, ce n’est qu’un point de vue d’autant plus incertain que je suis un peu à l’écart de ce qui se sait dans certains milieux…dont cet intérieur bordant et bordélique en ce qui me concerne.Donc, d’où je suis, il ne m’est pas évident de voir qui je suis, tout plus qui je pense et ce que j’en pense….un peu perdu certainement. J’ai essayé de me pencher pour voir ce qu’il y avait au delà de mon bord, j’ai aperçu mon corps, retors, encore et en corps…je suis tombé.
Archives du 27 mai 2009
En hommage à mon père…..
Vague souvenir, lointain, image lente et grise revenant du passé où elle s’était réfugiée, j’ai en moi parfois le souvenir de mon père. Petit homme , solide , droit au ventre rond…. il habite de ses yeux bleus les moments nostalgiques de ma raison…Un père , mon père, un homme, maçon, fort, soulevant ses sacs de ciments, travaillant toujours de ses mains , crevassées quand l’hiver était là, recouvrant ses plaies de Camphrice, médicament dont j’ai gardé et le nom et l’odeur colorée. Mon père, sans jeunesse, de guerre… prisonnier, cinq ans durant….une vie d’homme dans le courage, le travail , sa famille, son jardin, sa casquette. J’ai parfois honte de ne pas avoir su mémoriser cette vie de prisonnier, ces cinq ans gâchés….il me les a racontés, mais je crois que je ne voulais pas écouter….Le jour où j’ai pris une truelle pour travailler, c’est à tes mains que j’ai pensé….le temps est passé, papa.
Moseph acte 10
Adamah apprit tout à Moseph. Il lui apprit comment tenir l’outil, comment goûter la terre pour savoir ce qu’elle produirait après l’hiver, comment regarder le ciel pour deviner l’eau qui tomberait, comment attendre que le blé pousse, comment se contenter de ce qui avait poussé. Adamah veillait sur sa terre, elle, et cet enfant au visage abimé. Moseph retenait sans que le gardien eut à répéter , il retenait parce que cette terre était comme un sein auquel il s’accrochait, à la fois nourriture et chaleur. Jarie grandissait et devenait de plus en plus belle, elle ressemblait certainement à sa mère, Adamah l’exprimait par son silence et le regard qu’il posait parfois plus intensément sur sa fille. Il la savait différente, à la fois reflet de la femme qu’il avait aimée et autre par cette puissance créatrice qu’elle ne cessait de montrer . Elle générait sans cesse de nouvelles formes , de nouvelles couleurs, de nouvelles odeurs….Moseph, vieillissant, lentement, certainement, sincèrement, regardait à regard perdu le corps de Jarie changer, se féminiser, se troubler des regards de Moseph. Il savait quels étaient les changements… ses hanches dont la courbe s’étoffait, ses seins qui s’alourdissaient, son ventre dont l’odeur remontait bien au-delà des senteurs et lenteurs de la terre odorante…il la savait devenir femme, femelle….ce sont ces hanches qu’il eût aimé tenir, les siennes…..