J-331… son doigt 10


Ce soir là elle se coucha vêtue d’un pyjama épais, en acrylique, elle se chargeait positivement et l’acrylique l’isolait du reste du champ électronique qu’elle dégageait désormais. Elle s’endormit vite, rêva vite, un rêve érotique brutal, une sexualité sans violence mais des orgasmes récurrents, des sensations de pénétrations diverses, voir multiples. Ce qu’elle ne savait pas parce qu’elle dormait c’est ce que son corps brillait, qu’une aura enveloppait sa peau, un halo lumineux dessinait dans la pénombre de sa chambre le contour exact de son corps harmonieux… Plus elle rêvait de pénétrations plus l’intensité de la lumière augmentait, plus elle orgasmait plus la couleur variait, passant de flux orangés à de fin nuages bleutés. Elle gémissait, réussit à quitter son pyjama pour se retrouver nue, membres écartés, sexe offert sur la couette de son lit, l’origine du monde version épilée… Il y eut un moment où la chambre fut rouge dans un crescendo de variantes solaires, puis rien…. le silence était juste bercé par ses ronflements.

J-333… son doigt 9


Ce doigt effleurait l’aréole de son sein qui finit par s’épanouir pleinement, l’effleurement muta en léger pincement puis Claire fut certaine qu’une main lui caressa le sein, pleinement, lourdement. C’était une seule et même main qui émanait de cette perception, une main d’homme de par sa taille avec la légèreté d’une main de femme pour sa légèreté, sa superficialité tactile… Puis le toucher s’évanouit… elle ferma les yeux non pas pour sentir mais pour chercher. De sa main droite elle voulait saisir un corps, capter une peau imaginée…. la palpation virtuelle se conclut par un premier contact multiple, indéfini, incompréhensible. Elle n’aurait su dire qui ou tout du moins quelle partie du corps elle touchait de façon diffuse. Subitement, elle comprit que son doigt venait de rentrer au contact d’une peau masculine, cependant glabre…Elle ne sut pas comment la toucher plus fort, c’était  si facile tellement la peau était là et si complexe parce qu’elle n’arrivait pas à contrôler  plus de doigts… Une coupure d’électricité mit fin à cette sensation, ce fut brutal, presque douloureux, incompréhensible… son corps se contracta de multiples fois puis s’apaisa. Elle était nue sur sa chaise, maladroitement troublée par tant d’émotion.

J-334… son doigt 8


Elle revint vers ses écrans, apaisée mais non repue. Elle caressa de sa main gauche la paume de sa main droite, observa plus délicatement les circonvolutions de son index et s’aperçut qu’ils avaient disparu, mais à leur place la peau avait muté. Elle était devenue transparente, translucide, elle voyait sa chair, son sang, ses artérioles ramifiées. Elle eut  une peur panique, se précipita dans sa salle de bain pour se regarder dans la glace… Elle n’avait pas changé. Sa peau était toujours aussi claire, ses taches de rousseur illuminait un visage qu’elle avait fermé il y a quelques temps: les soucis, les craintes, les questions sans réponses, les réponses à des questions qu’elle n’avait jamais voulu se poser… la peau de son corps suintait d’une légère sueur parfumée, cette sueur spécifique de l’acte d’amour. Elle passa sa main sous son sein, lentement, comme il le faut pour sentir  la finesse  d’une peau, puis elle porta ses doigts à son nez…. elle sentait. Elle sentait l’odeur d’un autre, une odeur qu’elle n’avait jamais connue. La peur panique laissa place  à une angoisse accompagnée de lourds battements de coeur. Elle dut s’asseoir pour ne pas chuter, ferma les yeux, puis s’endormit rapidement mais  pour quelques secondes. Elle fut réveillée par le téléphone. Ce n’était qu’un appel professionnel qui s’éternisa. Elle était toujours nue et son esprit avait été  perturbé par cette communication, elle se dirigea vers son bureau, elle devait terminer rapidement la commande d’un client mécontent. Elle s’empara de sa chose, ouvrit un dossier, manipula quelques images de façon mécanique et maladroite. Elle travailla ainsi pendant une demie-heure, très concentrée, oubliant jusqu’à ce moment précédent qui l’avait éprouvée. Elle travaillait les images de l’intérieur, manipulait les pixels comme si cela avait été des billes qui roulaient sous ses doigts, elle sentait de manière très lointaine les mains des autres qui parcouraient leurs claviers, leurs écrans tactiles, leur pad…. elle sentait, jusqu’à en oublié sa corporalité…  Alors qu’elle avait l’impression de manipuler une sphère comme si c’eut été un simple ballon , elle sentit un doigt toucher la peau de son sein gauche. Ce n’était pas son doigt…

J-335…son doigt 7


Elle sortit de ce bain, se sécha immédiatement pour ne pas prendre froid, elle avait déjà froid, elle pénétra dans la chambre de ses enfants, ils dormaient, elle s’en alla donc se coucher… seule. Il y avait longtemps qu’elle n’avait pas fait l’amour, tout du moins autrement que de manière attendue, presque trop calmement avec le même corps connu et reconnu… Elle s’endormit après s’être caressée. Au réveil, elle fut surprise de la douceur de son ventre. Le  rituel du matin s’opéra à l’identique de chaque autre jour vécu précédemment, seule sa peau était différente. Elle en fut convaincue quand elle se présenta à son poste de travail maquillée, chaussée de ses chaussures à talons hauts et nue… On aurait pu croire que sa peau ne pouvait plus supporter le moindre contact vestimentaire mais s’agissait seulement d’un désir profond. Elle procéda à la mise en route de sa station de travail, hésita quelques secondes quand il fallut mettre la main sur la souris… puis elle le fit. la température  de surface de sa peau augmenta de cinq dixièmes de degré, elle se sentit enveloppée, comme une seconde peau qui la protégeait des variations extérieures. La moindre interaction avec un des êtres présents à l’autre bout de la chaîne informatique se traduisait par une matérialisation immédiate à la surface  de son épiderme. Un bonjour se traduisait par une sensation localisée au niveau du bras, le travail sur une carotte était plus localisée sur son estomac… Elle croisa et décroisa ses jambes plusieurs fois dans la matinée. Son corps devenait une chose agrandie proportionnellement à l’augmentation de sa propension à sentir, sa peau avait la même sensibilité, la même couleur que celle de sa souris… elle ressentait comme elle. Elle s’arrêta pour une petit pause, sa nudité allait très bien avec la couleur de sa cuisine. Le contact de son sexe avec la matière recouvrant son tabouret de bar devint sa seule préoccupation,non pas de sa propre volonté mais bien par une augmentation de cette sensibilité dont elle se réjouissait mais dont elle ne contrôlait pas encore la puissance… elle était son sexe, toute sa sensibilité se trouvait concentrée  sur son clitoris dans le plus grand inconfort. Cependant elle lâcha prise, elle jouit fort, sans émettre le moindre son émanant de ses cordes vocales, juste une expiration ventrale qui se traduisit par un râle accompagné d’un totale relâchement musculaire. Elle ne put s’empêcher de tremper son doigt dans sa tasse de thé …Le sol était mouillé à ses pieds.

J-336…son doigt 6


Il y eut une résonance physique immédiate, comme un écho sonore qui se propageait à l’intérieur de son corps jusqu’à ce qu’il s’atténue sous la forme d’un frisson lui parcourant le haut des épaules…. un tremblement l’évacua. Elle tapa rapidement sur son clavier.

_ » Bonsoir, je ne vous connais pas…

_moi non plus.

_POURQUOI alors ??

_Parce que je vous ai reconnue…

_C’est à dire ?

_ Je ne sais pas, mais c’est comme si je sentais votre odeur à mes côtés…je vous laisse… »

Son nom disparut de l’écran, mais elle sentait à travers son doigt, le doigt de cet inconnu qui effleurait superficiellement le contour des empreintes digitales de son index… Elle quitta brutalement sa chose, sa chaise, se réfugia dans sa cuisine où elle se fit chauffer de l’eau pour boire un thé berbère. Elle n’était pas nue, mais elle aurait aimé l’être tellement elle était troublée pas cette dernière sensation. Elle avait comme une paresthésie de la main droite qu’elle ressentait à travers l’électricité statique qui s’était accumulé dans la couche d’électrons présente entre sa peau et son vêtement. On eut pu dire qu’elle était enveloppée par une sensation vibratoire particulièrement déstabilisante physiquement… elle avait la sensation de scintiller. Elle quitta ses vêtements, ses sous-vêtements, se contempla nue dans le miroir du fond de son couloir. Elle touchait sa peau, caressait son ventre, le bas de son ventre était douloureux de par la liaison qui existait entre chacun des poils de son pubis et sa peau qu’elle trouvait encore plus sensible et plus fine qu’à son habitude… elle se dirigea vers sa salle de bain, se fit couler un bain chaud dans lequel elle se plongea. Elle se rasa entièrement, épila chacune des racines…ses jambes étaient douces, son ventre était glabre,  Il fallait qu’elle soit totalement nue. Elle savait que chacun des poils qu’elle avait enlevé était un capteur vers l’extérieur dont elle n’avait pas ou plus besoin. Sa douceur épidermique nouvelle l’exaltait, elle se sentait sensibilisée, pertinente à la moindre fluctuation électronique de l’air ambiant…. elle toucha  son sexe de son index droit…L’eau était tiède, plus tiède à son contact…

J-337… son doigt 5


Elle remarqua cependant la présence d’un autre courant, un autre fluide qui parcourait l’espace dans lequel elle cliquait… il était évident qu’une personne était branchée sur son réseau social sans qu’elle en eut l’image et l’évidence. Elle passa une heure à refuser des discussions, des liens et des appels… mais rien de plus ne se faisait sentir. Il ou elle était là, en observance de son état nouvellement  existant… Elle pensa que c’était un homme de par les  fulgurances de ses pulsions  électriques, puis elle décida de reprendre ses dialogues tout en écrivant un discours relativement neutre, tout en travaillant parfois maladroitement…Elle se sentait troublée,  se savait troublée. Soudainement, sa chose ne lui transmit plus rien, elle redevint, l’espace d’une poignée de secondes, une souris plus grosse et imprécise que n’importe quelle autre qu’elle avait pu avoir, puis tout reprit son cours… à la seule différence qu’une nouvelle demande d’ami anonyme lui était proposée… elle réfléchit et à ce moment précis un doigt, autre que le sien, appuya délicatement sur son doigt pour obtenir le clic…. mais il n’y avait pas de doigt autre que le sien et cette sensation s’était prolongée après coup par un frisson qui parcourut sa colonne vertébrale jusqu’à la pointe de son sein droit qui s’hypersensibilisa. Le oui était accepté, le sein tendu, le dos fragilisé et Claire totalement muette. Cela n’avait duré que deux secondes au maximum mais elle était persuadée qu’un homme avait touché son corps, elle en sentait encore la présence sur son doigt… Sur l’écran une fenêtre de communication s’illumina d’un « bonsoir Claire ». Son doigt tremblait pour la première fois.

J-338… son doigt 4


Elle apprit vite à sentir l’ondulation de chacune des personnes avec qui  elle discutait. Elle remarqua que les langues écrites transmettaient, en fonction de leur accents toniques, diverses modulations; ainsi il y eut des personnes qu’elle ne voulut plus avoir dans sa liste e car elle avait presque ressenti des douleurs contractantes lorsque certains mots avaient été écrits. Elle se méfia instantanément de cette capacité inhérente à sa chose et comme elle n’en éprouvait aucun plaisir, elle choisit d’effacer ceux avec qui elle avait eu cette sensation désagréable. Il se passa quelques semaines avant qu’elle n’eut appréhendé la totalité des fonctions de cet appareil. La sensation passa de sa main à la superficialité de son corps, son épiderme répondait très superficiellement au contact de ses correspondants, elle n’avait plus ressenti la douleur des premières fois, elle estimait être en phase avec eux. Cependant, elle remarqua, peut-être un mois, après la mise en route de cet appareil que sa peau était devenue plus lisse, pas plus douce parce qu’elle l’avait toujours été, plus lisse. On aurait pu dire que la coloration de celle-ci s’était modifiée pour rentrer dans une phase de mimétisme avec la structure épidermique de l’appareil.. Un soir, alors qu’elle avait passé sa journée  à détourer, mettre en page, colorer nombre de photos pour un magazine maritime, elle remarqua qu’elle ressentait l’odeur de la mer, la fluidité de la fraîcheur de l’eau sur sa peau. Une fois ses enfants couchés, endormis, elle se déshabilla entièrement et se retrouva nue face  à son ordinateur, lui silencieux…. elle anxieuse. De son doigt droit elle rentra en contact avec la peau synthétique et face  à une image de l’océan Atlantique, elle fut submergée par une sensation de bien être proche de celle ressentie lorsque l’été elle plongeait dans l’eau lorsqu’elle avait chaud. Elle n’aurait su dire combien de temps dura cette émotion sensuelle… mais il est certain que pendant un infime moment son doigt droit se retira de l’appareil, cependant elle continua quand même à ressentir ou être… Lorsque son doigt quitta, le contact intime qu’elle avait établi entre sa chose et elle se résorba lentement. Elle était nue devant  à son ordinateur, elle passa son doigt sur ses lèvres qui avaient atteint un degré de réceptivité sensorielle assez unique. Elle était splendide et son doigt était salé, elle avait le goût de la mer…

J-339… son doigt 3


Elle avait précédemment accepté, de la part d’un concepteur de matériel informatique, l’essai d’une souris prototype, une souris sensible au léger courant électrique qui parcourt notre corps. Cette chose pensante , comme elle pensait qu’elle l’était, captait le flux électronique et le transmettait à l’identique à celui ou celle avec qui vous communiquiez. Il s’agissait visuellement d’une masse informe sur laquelle vous posiez votre main, elle était recouverte d’une peau synthétique d’une ressemblance  extrême, si ce n’est une trop grande douceur qui cependant disparaissait ou tout du moins se métamorphosait en fonction des courants électriques perçus. En rien cette masse n’était un frein à sa merveilleuse précision, bien au contraire, elle s’adaptait aussi bien à l’humain qu’à la relative froideur des électrons des images numériques, qui avec le temps prenaient une sensibilité ressentante et ressentie dont Claire n’avait jamais eu idée. Sa première journée de travail avec cet objet s’était terminée par une folle envie de poser son index sur la peau de son sein droit qu’elle savait beaucoup plus douce que n’importe quelle partie de son corps exceptée la fine peau qui entourait les subtils replis de son sexe et pour laquelle elle n’avait eu, jusqu’à cet instant, qu’une considération plus reproductive qu’attentive. Ce soir là son index droit, compara… elle se cliqua par deux fois.

J-340… son doigt 2


Alors elle commençait son voyage matinal, remontant jusqu’en Chine pour y rencontrer un client encore éveillé, passant par les continents américains où elle dialoguait rapidement avec de sages noctambules californiens, s’immobilisant, le doigt placé sur le haut de sa chose, dans la liste des gens présents sur son réseau social qui allaient l’accompagner dans sa journée de travail. Sur ses trois écrans de grand format, elle avait organisé son espace de travail et son espace géographique dans lequel elle allait voyager. Il n’avait ni temps ni dimension réels, mais cependant chaque point de son monde était relié  à un autre par une fibre optique. Son espace couvrait tous les continents… Elle avait en quelques années sélectionner des amis, qu’elle n’estimait pas virtuels, car elle donnait à la parole  écrite une priorité essentielle  avant toute forme de relation visuel, physique, odorante. Elle échangeait dans cinq langues, écrivait si vite sur ses claviers qu’on eût pu croire qu’elle avait quatre mains. Sa vie était plus riche en échanges de lettres et de mots que toute autre dont l’identitaire, bavard et incohérent, s’égarait dans des dialogues dont la pensée immédiate laissait souvent cours  à une insignifiance relative. Écrire n’était pas dire, sans être avare de ses mots, elle savait pertinemment qu’elle ne pouvait s’égarer dans des paraphrases accompagnées de gestes et de tergiversations. Son espace de paroles était limité à un certain nombre de caractères eux-mêmes enfermés dans une obligation de débit totalement indépendante de sa pensée. Elle avait donc calibré son esprit aux possibilités de son ordinateur, au nombre de caractères moyens pouvant être inclus dans une fenêtre qui était délimitée par une hauteur et une largeur mesurées en pixels. Même si sa pensée n’était pas contrôlée, elle la savait adaptée, c’est ainsi qu’elle s’efforçait de penser: d’essentiel en essentiel.Ce matin-là, comme tous les autres matins, elle sélectionna de son doigt droit, qu’elle sentait accouplé à sa chose, ceux avec qui elle échangerait de l’essentiel tout en manipulant des images sans sens établis… Son doigt droit était unique, elle était la seule au monde  à suivre pixel par pixel, sans l’avoir au préalable agrandi, le détour d’une image numérique de haute définition…. Son doigt, au regard de ses états de communication, était elle.

J-341… Son doigt 1


Elle s’appelait Claire, tout du moins c’est ainsi qu’elle se nommait sur  son réseau social docile… Elle travaillait chez elle, graphiste, bricologue, ethnologue du clavier , découvreuse de pixels, transpeloteuse  d’électrons transformés et mère au foyer seule, divorcée, incluse dans un temps du passé contre lequel elle se battait. Elle s’appelait certainement Claire, tous ses amis numériques la connaissaient sous ce vocable féminin hautement lumineux, sobrement érotique depuis qu’Eric Rohmer avait focalisé sur le genou de l’une d’elles. Chaque matin, consciencieusement elle se levait, maternante, décoiffée, oubliée, s’occupait de des enfants, les conduisait à l’école puis retournait chez elle, peu avant neuf heures, où elle se changeait. Elle commençait par se maquiller, insistant sur la rougeur de son far  à lèvres, parfois lourdement, mais la souple onctuosité du fin dessin de ses lèvres effaçait irrémédiablement la violence érotogène du rouge de son maquillage labial, elle aurait pu embrasser alors …Maintenant elle s’appelait Claire. Après son maquillage elle revêtait le plus souvent un jean noir qu’elle agrémentait d’un T-shirt coloré, donnant un peu de sens visuel et rythmique à son corps. Son corps n’était ni parfait ni abandonné, bien au contraire elle aimait la courbure de ses hanches qui annonçaient une paire de fesses dont la féminité presque exubérante  aurait pu, par certains moments laisser penser qu’un homme s’y était souvent et longuement attardé… quelques fois, elles imposaient le silence méditatif et parfois elles donnaient l’envie de l’irrespect, de l’abus. Une fois habillée, elle s’asseyait sur son fauteuil, allumait cérémonieusement son ordinateur, ses écrans… elle avait ritualisé tout ce processus, un peu comme un accouchement récurrent. Il y avait un ordre simple, précis mais cependant strict auquel, pour rien au monde, elle n’aurait dérogé.Tout se passait dans une organisation sonore, rythmé par le bruit des disques durs qui s’allumaient les uns après les autres. Ses écrans teintés de bleus clairs différents, au nombre de trois, finissaient par éclaircir la noirceur de la pièce dans laquelle elle avait choisi de travailler. Il fallait une petite trentaine de seconde pour que cette quadragénaire, puisse de sa main droite, fine, subtilement musclée par de nombreuses années de travail informatique et par la grâce de son index cliquer sur la douce  structure de sa souris, maladroitement dénommée. Claire appelait cet outil sa chose et elle cliquait avec légèreté, sa manière de poser son doigt sur sa chose aurait pu inspirer un cinéaste… il y avait parfois tant d’émotion dans son doigt.

J-345…


Je suis au quotidien…. chacun des instants me signifie.

J-346…


Je suis encore vivant, malgré  mon monde qui  commence à se détruire lentement, j’en vois tous les déplacements, les fissures, les silences et les craquements. Bientôt le soleil n’aura plus la force de se lever, la lune qui parfois fut ronde saura changer de forme. Je mesurerai les formes modulantes, tiendrai les formes finissantes… ce sera la fin du monde et je n’ai pas besoin de Dieu pour en finir avec lui.

J-348…


Je suis porté par cette attente, celle qui se précise mais qui ne m’apportera rien… J’ai envie de ces reins, les vôtres; de vos ventres d’érain, vous éreinter, vous contenter, vous attenter… mais je me tais dans cette attente, certain. Je commence  à oublier ce que fut un temps, ce que fut d’attendre…. Je plonge dans vos infimes détails et j’espère de vous que vous m’ouvriez vos cuisses, oubliez vos cuisses… viviez vos cuisses. Je regarde ce temps impassé.

J-349…


j’ai pris l’aire et je l’ai rangée dans mon sac, je me suis réfugié intimement chez une amie, je lui ai touché la peau… douceur, couleur… j’ai mesuré la lenteur du temps passé  à respirer…. ma vie n’est plus faite que de ces petits riens incertains qui encombrent ma mémoire mais qui me rassure lorsqu’ils sont à côté de nous.

J-350…


Je suis là, devant mon écran, crampoïde, cramoisi…. éructant. Non ce n’est pas fini, il me reste des images à proposer, à vous voler… j’ai toutes envie de vous prendre dans vos imparfaites et impudiques nudités, je sais que  vous aimez ces moments de  douce exaltation où vos cuisses s’attendrissent, vos ventres demandent  à se remplir, vos bouches salivent de gourmandise…Je vous donnerai un gâteau au chocolat.

J-351


Je suis là comme  à mon habitude, répétant les mêmes mots, les mêmes gestes depuis de longues années. Je donne une définition du monde, une mesure  à un espave qui m’entoure… je leur explique comment était le début, comment sont les mots lorsqu’ils sont bien écrits et joliment dessinés, je leur donne du sens là où il n’y en a plus, j’authentifie les actes, les règles, les non-dits. Je pèse leurs silences, soigne leurs blessures d’âmes et de corps, je suis leur sévérité, leur règle, leurs devoirs… leurs interdits…. je suis fatigué.

J-352…


Je me suis interrogé… je suis un sale type et j’en ai lascivement conscience. Je n’aurai donc aucun regret pour l’avenir restant, j’apprécierai à sa juste et valeureuse valeur le temps qu’il m’est imparti, je n’en abuserai pas, je le dépenserai sobrement. Je toucherai encore le corps de quelques femmes, le coeur de quelques âmes et de ma main droite, celle qui est directrice,  je frôlerai les murs de ma ville, la peau de son corps, l’intérieur de son ventre… mais c’est seul que j’en apprécierai la saveur.Il me reste encore trop de temps… Je peux approcher lentement tous vos détails.

2011 in review


Les lutins statisticiens chez WordPress.com ont préparé un rapport annuel 2011 pour ce blogue.

Voici un extrait:

La salle de concert de l’Opéra de Sydney contient 2 700 personnes. Ce blog a été visité environ 8 900 fois en 2011. Si c’était un concert à l’Opéra de Sydney, il faudrait environ 3 représentations à guichets fermés pour pour qu’autant de personnes le voient.

Cliquez ici pour voir le rapport complet.

J-353…


J’ai écouté une fois de plus la radio, celle de Paris, celle qui sait. Elle est salie de Culture, comme un pauvre sur qui on lirait sa pauvreté… Elle détonne, sa sonorité est fausse, ses comiques bien pensant ou odieux de bêtise, mais toujours politiquement corrects… ils finissent pas s’excuser d’être en dehors de la ligne et de prendre plaisir à la franchir. Cette radio vend du cinéma à voir le midi, du son à écouter le plus rapidement possible, de la personne, du Paris, du vrai puisque je le dis, du culturel puisque nous le pensons… Je n’aime plus ce satisfecit immédiat de la vérité unique, de la pensée unique…

J’ai regardé comme chaque jour les femmes qui passent dans la rue, même celles qui s’y arrêtent… J’ai regardé leurs corps, écouté leur pas pour deviner la rondeur de leurs hanches, deviné leur ventre pour comprendre leur odeur, entendu leurs yeux pour, comme  à mon habitude, savoir quand elles les fermaient… J’ai mesuré le temps qu’il leur restait, le mien.

J-354…


Je me suis arrêté face  à une vitre… mon reflet, encore mon reflet. Je me suis ignoré pendant que le vent soufflait. Autour de cette Terre où rien n’a de mesure puisque fermée et ronde, je me suis senti solitaire… Oui; j’étais isolément seul…intensément.

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